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L’avenir dynamique de la baguette Besançon Théâtre 09/20/2015 - John Adams : The Chairman Dances
Guillaume Connesson : E chiaro nella valle il fiume appare
Johannes Brahms : Variations sur un thème de Haydn, opus 56a Sinfonieorchester Basel, Helmuth Reichel Silva, Jonathon Hayward, Yukari Saito (direction musicale)
Depuis plus de soixante ans, le mois de septembre rime avec orchestre à Besançon, avec le concours international de jeunes chefs. Après une semaine d’épreuves et de répétitions, des vingt candidats retenus pour les ultimes épreuves – sur les quelque deux cent soixante-dix sélectionnés à Pékin, Montréal, Berlin ou dans la cité franc-comtoise même – seuls trois sont admis à la finale du dimanche 20 septembre, à la tête de l’Orchestre symphonique de Bâle. En consonance avec la résidence de Guillaume Connesson au sein du festival qui se déroule également pendant la compétition – et un peu au-delà – le programme met à l’honneur la musique d’aujourd’hui, avec, en prélude à la création de la commande au compositeur français, E chiaro nella valle il fiume appare, The Chairman Dances de John Adams, tandis que l’on pourra voir l’ensemble du concert comme un exercice autour de la forme à variations, qui se conclut par celles de Brahms sur un thème de Haydn.
H. Reichel Silva
Le premier artiste en lice, Helmuth Reichel Silva, Chilien de 32 ans qui a poursuivi sa formation en Allemagne, déconcerte ceux qui l’ont suivi au fil des journées précédentes par une direction moins expressive, bridée peut-être par le trac ou une méforme passagère. Le savoir-faire aux accents germaniques ne manque pas cependant d’imprimer sa marque à The Chairman Dances, assaisonnées çà et là par des saveurs latines discrètement chaloupées. La partition de Connesson affirme sans fard son inspiration néo-mahlérienne. La dynamique des textures, modelées presque comme de la glaise, évoque par exemple la véhémence contenue de la Sixième Symphonie. Cette vision globale de la pâte orchestrale rencontre cependant ses limites dans un Brahms terne et pesant.
J. Heyward (© DR)
Quand arrive sur le podium Jonathon Heyward, le benjamin du concours, Américain de 23 ans qui se perfectionne actuellement à la Royal Academy of Music à Londres, sa sympathique et longiligne silhouette de Spirou dégage une énergie communicative que l’on retrouve magistralement dans Adams. Non content de faire vibrer la réjouissante profusion rythmique de la pièce, avec un éclat parfois aux limites de l’impétuosité, il sait y insuffler une liberté qui met en valeur les interventions solistes. Sa gestuelle expansive et généreuse, scandée ici ou là par des lunettes aussi malencontreusement que légèrement tombantes, instille à E chiaro nella valle il fiume appare un expressionnisme qui, par moments, semble se souvenir de Schreker ou Zemlinsky. D’aucuns jugeront que le bouillonnement prend plus d’une fois l’ascendant sur les nuances descriptives. Brahms tire pour le moins un bénéfice évident de cette juvénilité pleine de promesses: l’élan du discours n’est jamais rompu, et les variations s’enchaînent avec une certaine fluidité narrative.
Y. Saito (© DR)
Après l’entracte, la dernière candidate, Yukari Saito, Japonaise de 32 ans qui a suivi les conseils de Seiji Ozawa – l’immense chef fut lui-même lauréat bisontin en 1959 – vient faire la démonstration d’un métier déjà accompli. Si Adams se distingue surtout par sa mécanique de précision, très propre, Connesson respire ici avec une variété inédite de couleurs, restituant ainsi une palette évocatrice élargie où se reconnaît une finesse d’orchestration éminemment française – l’influence de Debussy, en particulier dans la légèreté des lignes mélodiques de l’harmonie, tandis qu’ailleurs, la densité lumineuse pourra rappeler Dukas ou Bartók. Un tel cisèlement, accompagné par une main élégante et mesurée qui avoue sa dette envers son maître, magnifie les Variations de Brahms, où la Nippone surclasse ses concurrents. D’une souplesse sans faille, presque féline, sa battue sensible aère remarquablement la partition, décantée de ses lourdeurs romantiques. Le public ne s’y est pas trompé en lui décernant son prix, de même que les musiciens de l’orchestre, attentifs à la clarté de sa mise en place. Le jury, présidé par Dennis Russell Davies, a, quant à lui, privilégié le potentiel de Jonathon Heyward – que le travail en répétitions, où il se distingue de sa consœur extrême-orientale, n’aura pas démenti – en lui décernant le Grand Prix de la cinquante-quatrième édition du Concours international de jeunes chefs de Besançon.
Le site du festival de Besançon
Le site de Helmuth Reichel Silva
Gilles Charlassier
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