Back
Le quatuor au féminin La Roque Goult (Eglise) 08/17/2015 - Joseph Haydn : Quatuor n° 48 en fa majeur, opus 50 n°5 «Le Rêve»
Dimitri Chostakovitch : Quatuor n° 7 en fa dièse mineur, opus 108
Béla Bartók : Quatuor n°5 en si bémol majeur, Sz. 102, BB. 110 Quatuor Zaïde: Charlotte Juillard, Leslie Boulin-Roulet (violons), Sarah Chenaf (alto), Juliette Salmona (violoncelle)
Le Quatuor Zaïde (© Neda Navaee)
La médiatisation ne se place pas toujours à la hauteur de l’excellence, et le quarantième anniversaire offre une belle opportunité au festival international de quatuors à cordes du Luberon, repris en 2011 par Hélène Caron-Salmona, de gagner la visibilité qu’il mérite. Construite autour des grands compositeurs de ce genre exigeant, cette édition commémorative propose au fil de la dernière quinzaine d’août une intégrale des Quatuors de Beethoven et de Bartók. Chostakovitch et Haydn, autres figures tutélaires de ce répertoire, ne sont pas laissés sur la touche et s’invitent également au travers d’un spicilège représentatif.
A cette aune, le second concert des Zaïde constitue un avatar exemplaire de l’ambition d’un rendez-vous que la modestie des moyens financiers ne saurait freiner. La formation française, auréolée d’une belle et méritée réputation, respire la féminité comme une musicalité dont l’esthétique ne renonce pas à son identité française. Le Quatuor opus 50 n° 5, qui ouvre le concert du lundi 17 août à Goult, l’illustre admirablement. Dès l’Allegro moderato initial éclot le velouté d’une sonorité nourrie par l’intuitive complicité des quatre interprètes, de la fluidité frémissante du premier violon de Charlotte Juillard au généreux violoncelle de Juliette Salmona. Le Poco adagio reflète le détachement onirique du mouvement, quand le Tempo di Minuetto module une fantaisie sensuelle que l’on retrouve dans l’énergique Finale, et confère à cette lecture de Haydn une personnalité irrésistible et délicate, en marge des académismes consacrés.
La concision et la densité du Septième Quatuor de Chostakovitch s’expriment ici de manière remarquable, en un souffle et une tension continus qui galbent sans relâche l’ouvrage. Les motifs en pizzicati constituent l’un des pivots de l’Allegretto qui contrastent avec la vocalité presque étale de l’Andante, avant un Allegro où les ruptures idiomatiques du compositeur russe n’ont nul besoin de caricature pour ressortir avec toute leur saveur. Le Cinquième Quatuor de Bartók affirme de semblables qualités. La véhémence des accents auguraux ne verse jamais dans l’excès et s’inscrit dans une sensible compréhension de la forme globale. Progressant symétriquement d’un Adagio à un Scherzo alla bulgarese, qui conduit à un Andante, le cœur de l’opus du musicien hongrois se révèle ici dans toute sa richesse et son intensité, et le Finale confirmera la maturité que les Zaïde ont démontrée au fil de la soirée, qu’elles prolongent avec la première des Trois Pièces pour quatuor de Stravinski, où se manifeste une parente synthèse de la mélodie et du rythme. Instinctive, l’intelligence des quatre Françaises déploie ainsi une reconnaissable unité, par-delà la diversité des inspirations où elle s’exerce.
Le site du Quatuor Zaïde
Gilles Charlassier
|