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Un drame d’aujourd’hui

Salzburg
Haus für Mozart
08/19/2015 -  et 22, 24, 26, 28* août 2015
Christoph Willibald Gluck : Iphigénie en Tauride
Cecilia Bartoli (Iphigénie), Christopher Maltman (Oreste), Rolando Villazón (Pylade), Michael Kraus (Thoas), Rebeca Olvera (Diane), Rosa Bove (Une femme grecque), Marco Saccardin (Un Scythe), Walter Testolin (Le Ministre), Laura Antonaz, Elisabeth Gillming, Nadia Ragni, Brigitte Ravenel (Prêtresses)
Coro della Radiotelevisione Svizzera, Gianluca Capuano (préparation), I Barocchisti, Diego Fasolis (direction musicale)
Moshe Leiser, Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières), Christian Arseni (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


L’édition 2015 du Festival de Salzbourg, qui s’est déroulée du 18 juillet au 30 août, a été placée sous le signe de l’austérité. Après les trois années fastes de l’ère Pereira, marquées par la multiplication du nombre de spectacles et par l’allongement de la durée de la manifestation, mais aussi par une nette contraction des réserves financières, les ambitions ont été revues à la baisse : réduction significative du budget et surtout diminution considérable du nombre des représentations (188 contre 270 en 2014). Le volet lyrique n’a pas été épargné : seulement trois nouvelles productions scéniques cette année (La Conquête du Mexique de Wolfgang Rihm, Fidelio avec Jonas Kaufmann et Les Noces de Figaro), contre cinq l’année dernière, auxquelles il faut ajouter trois opéras en version de concert et quatre reprises, dont deux avec Cecilia Bartoli, qui se révèle le joker de Salzbourg. En fin de compte, le festival aura attiré 262 000 visiteurs, pour un taux de remplissage de 95 %.


La production d’Iphigénie en Tauride de Gluck signée par le duo Moshe Leiser/Patrice Caurier a été étrennée durant le festival de Pentecôte, avant d’être reprise cet été pour cinq représentations. Au lever de rideau, le choc est immense : sur un plateau gris et glauque, entouré de murs de béton et éclairé par des néons, des lits de fer et des figurants en survêtement, l’air triste et désespéré, renvoient cruellement au drame des réfugiés syriens, qui fait bien évidemment la une de tous les médias autrichiens, surtout après la découverte d’un camion abandonné sur une autoroute, rempli de corps asphyxiés. Le spectacle raconte avec des images fortes le destin tragique d’êtres humains sur la route de l’exil. Pas de temples, de colonnes de marbre ni d’autels où des sacrifices assouvissent la soif de divinités vengeresses, la tragédie antique cède le pas ici à l’évocation douloureuse d’un drame d’aujourd’hui. Cette transposition moderne du chef-d’œuvre de Gluck, pourtant cohérente et intelligente, n’a malheureusement pas eu l’heur de plaire au public de la première, qui a copieusement hué le couple de metteurs en scène, alors que les chanteurs et le chef ont recueilli des applaudissements enthousiastes.


Cheveux courts, vêtue d’un simple t-shirt, d’un pantalon froissé et de bottes noires, Cecilia Bartoli, malgré un volume sonore clairement limité, incarne une Iphigénie émouvante dans ses longues plaintes, avec des pianissimi poignants, chantés dans un souffle de voix, véritable « marque de fabrique » de la chanteuse romaine. Son Iphigénie n’a rien de la tragédienne hiératique qui gronde et se désespère, c’est une femme résignée et désabusée, brisée par les événements qui l’entourent. Voix de bronze et français impeccable, Christopher Maltman campe un Oreste d’une grande aisance vocale, particulièrement expressif dans ses interventions. On retrouve avec bonheur en Pylade un Rolando Villazón en belle forme vocale, la tessiture plutôt centrale du rôle convenant parfaitement à sa voix, qui n’est pas ici excessivement sollicitée. Le Chœur de la Radio-télévision suisse italienne (la prestation des dames est à relever) et l’ensemble I Barocchisti sous la direction inspirée de Diego Fasolis, qui, par sa lecture vive et précise, privilégie l’intériorisation aux effets emphatiques, complètent idéalement ce spectacle fort en émotions.



Claudio Poloni

 

 

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