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Une fraîcheur kitsch délicieusement bien gardée Paris Palais Garnier 06/29/2015 - et 30 juin, 2, 3, 4, 6, 8, 10, 11, 13, 14 juillet 2015 Louis Joseph Ferdinand Hérold : La Fille mal gardée (arrangements John Lanchbery) Letizia Galloni/Eléonore Guérineau/Myriam Ould-Braham*/Muriel Zusperreguy/Marine Ganio (Lise), Mathias Heymann/Josua Hoffalt*/Fabien Revillion/Marc Moreau (Colas), Yann Saïz/Aurélien Houette*/Takeru Coste/Simon Valastro (Mère Simone), Simon Valastro* (Alain), Ballet de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philip Ellis (direction musicale)
Frederick Ashton (chorégraphie), Osbert Lancaster (décors et costumes), George Thomson (lumières), Christopher Carr, Grant Coyle (répétitions)
J. Hoffalt, M. Ould-Braham (© Benoîte Fanton/Opéra national de Paris)
Comme en 2012, la saison du ballet de l’Opéra national de Paris se referme avec La Fille mal gardée, distillant sur la torpeur estivale un parfum de légèreté que l’on ne saurait bouder. Si les origines de l’ouvrage remontent au 1er juillet 1789, où fut créé au Grand-Théâtre de Bordeaux, en marge des remous de l’Histoire, Le ballet de la paille, ou il n’est qu’un pas du mal au bien de Jean Dauberval, au caractère plutôt novateur pour l’époque, la version moderne de Frederick Ashton, montée pour Covent Garden en 1960, a dû attendre 2007 pour connaître les ors de Garnier. Deux siècles plus tard, l’innovation d’antan a eu le temps de se cristalliser en un kitsch délicieusement assumé – et dira-t-on british – par les cartons-pâtes d’Osbert Lancaster, avec sa basse-cour chamarrée et son vestiaire à l’avenant, et qui ne prennent pas une ride au fil des années. Les compléments microphoniques ne manquent d’ailleurs pas: l’autodérision ne semble jamais bien loin. Au demeurant, la partition ne dirait pas le contraire: complétant habilement la musique d’Hérold, dont on reconnaît le panache parfois sans détour, John Lanchbery compile un irrésistible canevas de citations où Rossini se loge confortablement, et que Philip Ellis restitue une fois de plus avec un plaisir partagé par l’Orchestre de l’Opéra national de Paris – le divertissement se trouve aussi dans la fosse.
Mais c’est d’abord sur le plateau que se passe le spectacle, avec une chorégraphie animée qui puise ingénieusement dans la tradition pantomimique, tout en offrant des numéros de choix pour les solistes. Dans le rôle de Lise, qui lui avait valu d’être nommée étoile il y a trois ans, Myriam Ould-Braham dégage une touchante juvénilité, qui ne verse jamais dans la niaiserie, ni le caprice. La tendre scène avec Colas au premier acte en témoigne, quand ses astuces pour échapper à sa marâtre au second achoppent toujours par sa maladresse d’inexpérience comme d’absence de malice. La fraîcheur de la composition expressive rime avec la fluidité d’un geste qui n’a nul besoin d’appuyer sa technique pour manifester sa maîtrise. Le Colas de Josua Hoffalt n’économise point son énergie et forme avec sa partenaire un harmonieux duo. Dans un personnage marqué par un Stéphane Phavorin qui s’y glissait avec un naturel confondant, Aurélien Houette incarne une Mère Simone un rien contrefaite, que les excès de maquillage n’atténuent guère, même si le numéro se révèle plus qu’honnête. En Alain chevauchant son inamovible parapluie, Simon Valastro résume avec brio l’hébétude de l’idiot du village. On pourra encore mentionner Alexis Saramite en Thomas, son père, et Antonin Monie, le danseur à la flûte. En somme, une reprise qui conclut brillamment la saison.
Gilles Charlassier
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