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Visages et chemins nouveaux

Saintes
Abbaye aux Dames
07/15/2015 -  
Dario Castello : Libro secondo: Sonata duodecima
Johann Rosenmüller : Sonate a Stromenti da Arco e Altri: Sonata quarta
Giovanni Legrenzi : Sonata «Spilimberga» opus II
Biagio Marini : Passacaglio opus XXII
Johann Philipp Krieger : Sonata ottava opus I
Tomaso Albinoni : Sonata quinta opus I
George Frideric Haendel : Sonata sesta opus II

Ensemble Baroque Atlantique: Guillaume Rebinguet Sudre, Simon Pierre (violon), Julien Léonard (viole de gambe), Jean-Luc Ho (clavecin)


Johannes Brahms : Canons opus 130: «Göttlicher Morpheus», «Wille, wille will der Mann ist kommen» der Mann ist kommen», «Grausam erweiset sich Amor an mir» & «Einförmig ist der Liebe Gram» – «Ich schwing mein Horn», opus 41 n° 1 – Quatre Chants, opus 17
Robert Schumann : «Wiegenlied», opus 78 n° 3 (arrangement Vincent Manac’h) –«In Meeres Mitten», opus 91 n° 6 – Romanzen, opus 69: ««Meerfey» & «Die Capelle» – Sonnerie pour deux cors, d’après «Jäger Wohlgemuth», opus 91 n° 8
Franz Schubert : Psaume XXIII «Gott ist mein Hirt», D. 706 – Ständchen, D. 920 – Lacrimosa son io, D. 131b – Coronach, D. 836
Richard Wagner : Götterdämmerung: «Sonnerie des Filles du Rhin» & «Chant des Filles du Rhin» (transcription Vincent Manac’h)
Heinrich Isaac : Innsbruck ich muss dich lassen (transcription Vincent Manac’h)

Emmanuel Ceysson (harpe), Anneke Scott, Joe Walters (cor)
Pygmalion, Raphaël Pichon (direction musicale)


(This is not) a dream (lanterne magique pour Erik Satie et John Cage):
Erik Satie : Descriptions automatiques: «Sur une lanterne» & «Sur un vaisseau» – Gymnopédie n° 1 – Sports et Divertissements : «Choral inapétissant», «La Balançoire», «La Chasse», «Le Yachting», «Le Bain de mer», «Le Tango», «Les Quatre Coins», «Le Traîneau» & «Le Feu d’artifice» – Petite ouverture à danser – Les Pantins dansent – Entracte (composition pour le film de René Char) – Avant-dernières pensées – Le Fils des Etoiles: Prélude du premier acte & «La Vocation» – Gnossienne n° 5
John Cage : The Seasons: Prelude n° 1 – Two Pieces for piano n° 2 (Quite fast) – Suite for Toy piano – A room (*) – Music for Marcel Duchamp (*)– Prelude for meditation (*) – Four Walls – Dream – The wonderful widow of eighteen springs – The perilous night pieces n° 5 et n° 6 (*)

Alexeï Lubimov (piano, piano préparé [*], piano jouet)
Louise Moaty (mise en scène, conception, projection avec lanterne magique)


R. Pichon (© François Sechet)


A côté des maîtres établis, le festival de Saintes n’oublie pas ceux de demain, et le programme que Raphaël Pichon propose avec son ensemble Pygmalion – lequel fera d’ailleurs l’objet d’une parution discographique – constitue à cet aune un avatar exemplaire de cette vertueuse dynamique. Elaboré autour des «Filles du Rhin», le spicilège proposé par les musiciens français explore, avec le corpus choral, des pans du répertoire allemand qui, pour demeurer peu pratiqués, n’en recèlent pas moins d’évidentes merveilles. Scandé par les incontournables motifs du Crépuscule wagnérien, confiés aux cors d’Anneke Scott et Joe Walters, à la hauteur de l’exposition auxquels ils se trouvent soumis, le programme est construit suivant un fil narratif qui confère à l’ensemble une unité et une cohérence, au sein desquelles les quatre parties de la soirée fonctionnent comme autant de chapitres d’un imaginaire sonore pleinement évocateur. La harpe d’Emmanuel Ceysson en restitue la fragile évanescence.


Les Canons opus 130 de Brahms déploient une admirable diversité expressive, rendue ici avec une sobriété aussi émouvante qu’efficace. On retiendra les accents mystérieux du «Göttlicher Morpheus» ou de «Grausam erweiset sich Amor an mir», contrastant avec le frémissement ludique de «Wille, wille will der Mann ist kommen», qui puise son inspiration aux sources populaires. Les quatre pièces de l’Opus 17 révèlent un autre aspect d’une économie musicale sensible à la création littéraire. Le panorama ne saurait oublier la figure de Schumann, dont on reconnaît l’intimité tendre dans le Wiegenlied – arrangé avec finesse par Vincent Manac’h, également à l’œuvre pour la réécriture des sonneries pour cor – tandis que «Meerfey», et plus encore «In Meeres Mitten» respirent le grand large poétique et mystique qu’une Lorelei ne renierait pas. Si la Ständchen D. 920 offre une version plus développée de la sérénade que son pendant plus galvaudé, le Lacrimosa D. 131b retentit d’une foi à la mesure de sa polyphonie, quand Coronach s’affirme comme un joyau absolu. On ne manquera pas la transcription délicate d’une page de Heinrich Isaac, Innsbruck ich muss dich lassen, redonnée en bis.


Résolument tournée vers la nouvelle génération, cette journée du mercredi 15 est aussi placée sous le signe du voyage, à l’image de celui que propose Louise Moaty avec sa lanterne magique pour Cage et Satie. Quoique rodé par plus d’une tournée, le spectacle garde intacte une remarquable fraîcheur. Entre illusion et complicité avec le spectateur, le dispositif scénographique fait vivre toute une poésie d’ombres et de presque rien, sans jamais se prendre davantage au sérieux qu’une musique à la fantaisie assumée, jusqu’au piano préparé – et même au jouet – sous les doigts d’Alexeï Lubimov. Le temps semble suspendre son souffle dans cette créativité plus vive que la matière, qui sollicite le public sans l’assujettir à l’intellect: un joli exemple de liberté. Mentionnons enfin le concert de midi donné par l’Ensemble Baroque Atlantique avec un choix de sonates, confirmant que la relève est assurée, et que l’arc aquitain y tiendra son rôle – Raphaël Pichon et Pygmalion sont en résidence à Bordeaux depuis la saison écoulée.



Gilles Charlassier

 

 

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