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L’héritage de Casals Prades Codalet (Abbaye Saint-Michel de Cuxà) 08/07/2015 - Ludwig van Beethoven : Sonate pour violoncelle et piano n° 3, opus 69 [1]
Robert Schumann : Trio avec piano n° 1, opus 63 [2]
Ernest Chausson : Concert, opus 21 [3] Christian Altenburger [2], Hagai Shaham [3] (violon), Frans Helmerson [1], Arto Noras [2] (violoncelle), Avedis Kouyoumdjian [1, 2], Yves Henry [3] (piano), Fine Arts Quartet [3]: Ralph Evans, Efim Boico (violon), Juan-Miguel Hernandez (alto), Robert Cohen (violoncelle)
Soixante-cinq ans, soixante-trois éditions, dont trente-quatre, si l’on compte bien, sous la direction artistique de Michel Lethiec: cette année sous le titre «Notes croisées», le festival Pablo Casals poursuit sa route dans la fidélité à l’héritage du violoncelliste catalan, avec une programmation toujours à base de grands classiques et de raretés et, surtout, d’invités habitués du lieu, non pas des solistes désireux de se mettre en valeur mais de véritables musiciens perpétuant une exceptionnelle tradition chambriste (en veston blanc). Musiciens mais aussi pédagogues, puisque la plupart enseignent parallèlement, pendant la journée, dans le cadre de l’Académie, dirigée par Françoise Lethiec, dont les étudiants donnent, à l’issue de leur formation, dix concerts gratuits.
Le soir, les concerts se tiennent dans l’abbaye Saint-Michel de Cuxà (Xe), avec son fameux cloître (XIIe), ou bien en l’église Saint-Pierre de Prades, mais le festival se transporte le cas échéant jusqu’à Céret, Perpignan et même Saint-Guilhem-le-Désert. L’après-midi et quelquefois aussi le matin, les églises romanes des environs de Prades, comme de coutume, accueillent les spectacles, mais des sites plus originaux sont également mis à contribution, par exemple les grottes des Grandes Canalettes, pour un programme évidemment baptisé «Mélodies en sous-sol...». Et quoi de plus idéal que des valses de Strauss au casino de Vernet-les-Bains ou un «café concert» au Grand Hôtel de Molitg-les-Bains? En outre, en marge des concerts, il y en a pour tous les âges – conférences ou jeu de pistes musical avec la participation des étudiants de l’Académie.
C. Altenburger, A. Noras (© Hugues Argence)
Typique du festival, le programme sous-titré «Hommage au Trio Thibaud, Casals, Cortot (1905)» a été minutieusement concocté par Michel Lethiec, qui adresse quelques mots au public pour en exposer la logique. Pour sa première apparition publique, le 25 mai 1906 salle Pleyel, le légendaire trio formé par Alfred Cortot, Jacques Thibaud et Pablo Casals avait joué, en seconde partie d’un récital donné par le pianiste, le Premier Trio (1847) de Schumann. Bien après la dissolution du trio (1934) et les vicissitudes de l’Histoire – le moins qu’on puisse dire est que Casals et Cortot n’ont pas fait les mêmes choix politiques lors de la guerre d’Espagne puis de la Seconde Guerre mondiale –, le pianiste vint à Prades en 1958: autour de la Troisième Sonate (1808) de Beethoven, il s’agit à la fois d’une réconciliation et d’un épilogue, puisque ce fut la dernière prestation de Cortot en public. Et le Concert (1891) de Chausson? Thibaud et Cortot le jouèrent évidemment à de nombreuses reprises et en ont réalisé un enregistrement en juillet 1931 avec un quatuor formé de Louis Isnard, Vladimir Vulfman, Georges Blanpain et Maurice Eisenberg.
Lourde succession à porter pour les interprètes de Prades en 2015, mais que Frans Helmerson, avec une hauteur de vue toute apollinienne, assume sans peine dans Beethoven, nonobstant quelques difficultés techniques. Parfois un peu trop en avant, Avedis Kouyoumdjian trouve davantage sa place dans Schumann, avec deux excellents partenaires à la parfaite musicalité, Christian Altenburger, ici ou là un peu incertain en termes d’intonation, et, surtout, l’inaltérable Arto Noras, dont chaque note constitue un régal de sonorité et d’intelligence. Incessant maelstrom passionnel du premier mouvement, scherzo fantastique si schumannien, charge émotionnelle du mouvement et luminosité du finale – quelle bonne idée que d’avoir réuni ces artistes pour l’un de ces Trios avec piano si peu présents à l’affiche, alors que les différents duos, quatuors et quintette du compositeur allemand sont au répertoire de tous les chambristes!
Après l’entracte, dès les trois premières notes de Chausson proclamées par le piano, il ne fait pas de doute que le moment va être incandescent: d’une générosité sans bornes, Hagai Shaham et Yves Henry jettent toutes leurs forces mais aussi leurs immenses moyens techniques – les aigus immaculés du violoniste, le jeu moelleux du pianiste – dans la bataille. Et comme ils savent rester à leur juste place dans cette œuvre qui est évidemment tout sauf un concerto, ils ne font qu’un avec le Quatuor Fine Arts, conduit par le premier violon élégamment et opportunément fin de siècle de Ralph Evans. Accueil triomphal: il faudra donc bisser la Sicilienne.
Le site du festival Pablo Casals
Le site de l’abbaye Saint-Michel de Cuxà
Le site de Christian Altenburger
Le site de Hagai Shaham
Le site d’Yves Henry
Le site du Quatuor Fine Arts
Simon Corley
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