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Symphonies de poche Salon-de-Provence Château de l’Emperi 08/05/2015 - Joseph Haydn : Symphonie n° 94 «Surprise» (arrangement Johann Peter Salomon) (*)
Joachim Raff : Sinfonietta, opus 188 (+)
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 7, opus 92 (arrangement pour vents et contrebasse) (#) Emmanuel Pahud, Silvia Careddu (*) (flûte), François Meyer, Andrey Godik (hautbois), Paul Meyer, Calogero Palermo (clarinette), Gilbert Audin, Julien Hardy (basson), Benoît de Barsony (#), Bruno Schneider (+), Jimmy Charitas (+ #) (cor), Maja Avramovic, Deborah Nemtanu (violon), Lise Berthaud (alto), Aurélien Pascal (violoncelle), Olivier Thiery (contrebasse)
F. Meyer, A. Godik, S. Careddu, J. Charitas, B. de Barony, O. Thiery, J. Hardy, G. Audin, C. Palermo, P. Meyer (© Dominique Coccitto/Musique à l’Emperi)
Intitulée «Symphonic Salon», la vingt-troisième édition de Musique à l’Emperi s’attache notamment, pour reprendre les termes de l’éditorial d’Emilie Delorme, présidente de l’association organisatrice, à «découvrir ou redécouvrir de grandes œuvres symphoniques dans des transcriptions pour ensembles de musique de chambre ou des œuvres de musique de chambre à grands effectifs». Carton plein, en ce mercredi soir, avec deux arrangements de symphonies célèbres et une Sinfonietta écrite pour dix instruments à vent.
Johann Peter Salomon (1745-1815), violoniste et organisateur de concerts pour lequel Haydn écrivit notamment ses douze Symphonies «Londoniennes», publia deux arrangements de l’intégralité de cette série de symphonies: l’un pour piano avec accompagnement de violon et de violoncelle, peu de nature à restituer la richesse de l’orchestre, l’autre pour flûte, quatuor à cordes (et pianoforte ad libitum). C’est le second (sans le clavier) que retiennent les musiciens de l’Emperi, pour la Quatre-vingt-quatorzième Symphonie «La Surprise» (1792), arrangée dès 1794 si l’on en croit le manuscrit. L’écriture tient presque du quatuor concertant, reléguant généralement la flûte à un rôle secondaire, au profit du premier violon, pour un aimable divertissement de salon (avec ou sans majuscule). L’effectif réuni n’en reste pas moins maigrelet et la «surprise» du deuxième mouvement fait l’effet d’un pétard mouillé: le fracas d’un objet chutant sur les structures métalliques des gradins durant le premier mouvement ou le survol du château par des avions volant à basse altitude – bien qu’il ne soit guère «surprenant» dans une cité dédiée de longue date à l’aéronautique militaire – sont beaucoup plus bruyants.
S’il a écrit onze «vraies» Symphonies, Joachim Raff (1822-1882), qu’Emmanuel Pahud fait bien de présenter en quelques mots aux spectateurs, a également laissé une Sinfonietta (1873) en fa pour double quintette à vent: de la musique «domestique» (Hausmusik) plus inventive qu’inspirée, aussi charmante que prévisible, quoique certainement pas pour amateurs, ou bien alors diablement confirmés pour affronter des parties volontiers virtuoses. Mais comme toujours à l’Emperi, la crème des musiciens est réunie autour de Pahud et des frères Meyer pour défendre l’œuvre, avec son scherzo quasi mendelssohnien (en fa mineur) en deuxième position, son attachant Larghetto (en ut) et son finale d’esprit haydnien.
En 1816, la Septième Symphonie (1812) de Beethoven ne fut pas seulement publiée dans sa version pour orchestre mais dans divers arrangements, dont un pour nonette à vents (hautbois, clarinettes, cors, bassons par deux, et contrebasson doublant le plus souvent le second basson), déjà enregistré plusieurs fois ces dernières années. Compte tenu de sa publication concomitante avec l’original, cet arrangement est parfois considéré comme «approuvé» par le compositeur et, si le nom de l’arrangeur ne figure pas sur la partition, on l’attribue quelquefois au clarinettiste tchèque Wenzel Sedlák (1776-1851), alors Harmonie Kapellmeister du prince Liechtenstein, qui a pareillement adapté des extraits de Fidelio (et de nombreux autres opéras).
Toujours est-il que l’auteur, quel qu’il soit, a transposé la symphonie de la en sol (mais le Scherzo reste en fa) et, surtout, s’est autorisé des coupures: aucune dans le premier mouvement, une mesure seulement dans l’Allegretto mais 236 (sur 653) dans le Scherzo (omission du retour du Trio et de la section principale) et 104 (sur 465) dans le développement du Finale. Malgré cette fâcheuse tendance à recourir aux ciseaux, la transcription n’en est pas moins remarquable: comme celle des Symphonies par Liszt, on pourra peut-être dire qu’elle est destinée à faciliter la connaissance d’œuvres nouvelles en n’imposant pas la réunion d’une grande formation symphonique, mais ici encore, il sera difficile d’imaginer qu’elle puisse être confiée à des amateurs. Rien de tel à Salon, bien sûr, avec huit des meilleurs souffleurs d’Europe – Philharmoniques de Berlin et de Munich, Philharmonique de Radio France, Opéras de Lyon et de Rome... – et, en lieu et place du contrebasson, le contrebassiste Olivier Thiery – décidément voué, cet été, aux réductions de symphonies, après avoir tourné avec ses partenaires de la Camerata du Concertgebouw d’Amsterdam dans la Quatrième Symphonie de Mahler (voir ici): malgré la difficulté de l’exercice, tous semblent prendre beaucoup de plaisir – et le public avec.
Simon Corley
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