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Belle réussite d’ensemble

Orange
Théâtre antique
08/01/2015 -  et 4 août 2015
Giuseppe Verdi : Il trovatore
Hui He (Leonora), Marie-Nicole Lemieux (Azucena), Ludivine Gombert (Inès), Roberto Alagna (Manrico), George Petean (Il Conte de Luna), Nicolas Testé (Ferrando), Julien Dran (Ruiz), Bernard Imbert (Un Vecchio Zingaro)
Chœurs des Opéras Grand Avignon, de Nice et de Toulon Provence-Méditerranée, Aurore Marchand, Giulio Magnanini, Christophe Bernollin (préparation), Orchestre national de France, Bertrand de Billy (direction musicale)
Charles Roubaud (mise en scène), Jean-François Kessler, Bernard Monforte (assistants à la mise en scène), Dominique Lebourges (scénographie), Katia Duflot (costumes), Jacques Rouveyrollis (éclairages), Jessica Duclos (assistante aux éclairages), Camille Lebourges (vidéos)


(© Abadie)


Initialement, Raymond Duffaut avait prévu de programmer Samson et Dalila à Orange cet été, avec à la clé la prise de rôle de Roberto Alagna. Mais les aléas de 2013 (annulation d’une représentation du Vaisseau fantôme en raison des faibles ventes de billets) ont mis à mal les finances des Chorégies et rendu extrêmement prudent leur directeur, qui a préféré opter pour un titre plus populaire, mieux à même de remplir la vaste jauge du Théâtre antique (plus de 8000 places). Le choix s’est finalement porté sur Le Trouvère, qui marque le début d’une nouvelle trilogie populaire, avec La Traviata en 2016 et Rigoletto l’année suivante. Austérité oblige, on a ressorti des tiroirs la belle production conçue par Charles Roubaud en 2007 pour le vénérable Théâtre, avec déjà Roberto Alagna dans le rôle de Manrico. Le spectacle se caractérise par d’immenses projections vidéo très suggestives sur le mur de scène : une forêt avec des branches frémissantes, la façade d’un cloître avec ses multiples ogives ou encore des flammes incandescentes. Les différentes scènes ont chacune leur couleur et leur atmosphère propres, baignées dans des éclairages plutôt sombres, qui renforcent le côté mystérieux de l’ouvrage. On voit ainsi un campement de soldats au début de l’opéra, alors que pour l’arrivée des bohémiens tous les regards se tournent vers la roulotte de laquelle descend Azucena. L’immense plateau d’Orange est très bien utilisé et jamais la production ne donne l’impression d’être statique.


Malgré un timbre qui s’est durci au fil des années et la disparition de l’éclat qui caractérisait sa voix, Roberto Alagna incarne un Manrico ardent et passionné. Son « Ah si ben mio » vibrant est chanté avec beaucoup d’intensité, mais le « Di quella pira » (sans reprise) le met clairement en difficulté dans les notes finales. On ne saurait, bien sûr, réduire la prestation du ténor aux seuls aigus de la partition, mais comme la célèbre cabalette est le moment que tout le monde attend, le morceau de bravoure par excellence de l’opéra, l’impression globale reste donc mitigée. Quoi qu’il en soit, le célèbre ténor vient d’annoncer sur les réseaux sociaux qu’après ce Trouvère, il ne foulera plus jamais le plateau du Théâtre antique, où il a chanté pour la première fois en 1993, dans quinze productions au total. Le grand triomphateur de la soirée est le Roumain George Petean, qui campe un Luna idéal. Voix parfaitement homogène, phrasé exemplaire, technique belcantiste éprouvée, excellente diction, l’interprète confirme sa réputation de baryton Verdi de premier plan. Belle ligne de chant, voix ample et pleine, vocalises précises, superbes « pianissimi », la soprano chinoise Hui He livre un « Tacea la notte placida » sûr et bien conduit, que confirme le « D’amor sull’ali rosee » en dépit d’aigus tendus et serrés. Très investie dans son personnage, Marie-Nicole Lemieux offre de beaux moments d’émotion en Azucena, en dépit d'un fort vibrato et d'une technique belcantiste peu orthodoxe. Comme toujours à Orange, les seconds rôles sont particulièrement soignés, à commencer par le Ferrando bien chantant de Nicolas Testé. A la tête de l’Orchestre national de France, Bertrand de Billy se montre très attentif aux chanteurs. Sa lecture est précise et nuancée, et fait miroiter des couleurs chatoyantes, mais ne rend pas véritablement justice au chef-d’œuvre de Verdi, car jamais on ne sent l’urgence et la passion, qui imprègnent pourtant l’ouvrage de bout en bout. Au terme de la représentation, tous les artisans du spectacle sont chaleureusement applaudis. Contrairement à Carmen quelques semaines plus tôt, qui valait uniquement pour la présence de Jonas Kaufmann, Le Trouvère se révèle une belle réussite d’ensemble.



Claudio Poloni

 

 

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