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Fantaisies sans fantaisie

La Roque
Parc du château de Florans
08/02/2015 -  
Johann Sebastian Bach : Fantaisie chromatique et Fugue, BWV 903
Wolfgang Amadeus Mozart : Fantaisie en ré mineur, K. 385g [397]
Frédéric Chopin : Fantaisie-Impromptu, opus 66
Robert Schumann : Fantaisie, opus 17

Gaspard Dehaene (piano)




Si ce n’est une exposition de photographies marquant le trente-cinquième anniversaire du festival et l’allégement du livre-programme (jusqu’alors sans doute excessivement volumineux), rien ne semble devoir changer à La Roque d’Anthéron – et pas seulement les platanes et séquoias centenaires. Rien n’impose d’ailleurs de changer quoi que ce soit quand on renouvelle chaque année l’exploit consistant à consacrer quatre semaines sans interruption, à raison de plusieurs concerts quotidiens (et au fil des incontournables «Nuits du piano») en divers lieux des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, aux maîtres du clavier, sous diverses formes – piano, bien sûr, mais aussi clavecin (Bertrand Cuiller, Pierre Hantaï), orgue et musique de chambre (Trio Wanderer, Quatuor Modigliani) – et dans divers styles – «classique», bien sûr, mais aussi jazz de Chick Corea, Paul Lay et Baptiste Trotignon, tango de Gustavo Beytelmann et musique brésilienne de PianOrquestra.


Pour ce qui est du piano proprement dit, toutes les générations sont représentées: après le prodige russe Alexander Malofeyev (né en 2001) suivent bon nombre d’étoiles montantes (Remi Geniet, Lukas Geniusas, Benjamin Grosvenor, Adam Laloum, Jan Lisiecki, Aaron Pilsan, Daniil Trifonov, Anna Vinnitskaya...). Les stars fidèles de longue date au festival sont de retour (Angelich, Berezovsky, Buniatishvili, Guy, Lugansky, Matsuev, Queffélec, Sokolov, Tharaud, Volodin, Volodos...) et les artistes de Mirare, la maison d’édition du directeur artistique, René Martin, sont naturellement invités (Iddo Bar-Shaï, Hervé Billaut, Claire Désert, Shani Diluka, Marie-Josèphe Jude, Andrei Korobeinikov, Claire-Marie Le Guay, Jean-Frédéric Neuburger, Jean-Claude Pennetier, Emmanuel Strosser, les Duo Bizjak et Jatekok...). Au-delà de ces «figures imposées», il faut également saluer la présence d’artistes qu’on n’entend pas assez souvent, comme Florent Boffard, Abdel Rahman El Bacha ou Nelson Goerner. S’y ajoutent enfin les concerts gratuits donnés par les jeunes ensembles en résidence (deux duos et cinq trios) et par les élèves des classes de maître d’Olivier Charlier, Claire Désert, Christian Ivaldi, Yovan Markovitch, Emmanuel Strosser et du Trio Wanderer.



(© Christophe Grémiot)


Au parc du château de Florans, la fin d’après-midi, alors que le soleil inonde encore une partie des tribunes et que les cigales, parfois soutenues par le contrepoint de quelques volatiles, sont au mieux de leur forme, est le plus souvent réservée aux talents à découvrir. Ainsi de Gaspard Dehaene (né en 1987), élève de Bruno Rigutto puis de Denis Pascal au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, et désormais de Jacques Rouvier au Mozarteum, qui a choisi un programme à la fois thématique et chronologique, placé sous le signe de la fantaisie.


Prometteur par l’originalité du parcours ainsi proposé, ce récital se révèle toutefois d’emblée assez décevant, avec une Fantaisie chromatique et Fugue (1725) de Bach soigneusement articulée, mais trop sage. Dans la même tonalité de mineur, la Fantaisie (1782) de Mozart n’est guère plus engagée et – faut-il y voir l’emprise du trac? – manque aussi de souplesse. S’y ajoute le fait que le répertoire baroque et classique n’est sans doute pas celui qui convient le mieux au plein air, quand bien même l’acoustique a été améliorée par la conque rénovée en 2007.


Si elles bénéficient des mêmes qualités – clarté, réalisation technique satisfaisante – et ne pâtissent de nul cabotinage, les deux œuvres romantiques peinent néanmoins tout autant à convaincre: un demi-ton plus bas (ut dièse), la Fantaisie-Impromptu (1834) de Chopin glisse de façon plus exquise que passionnée, puis, encore un demi-ton en-dessous, la Fantaisie en ut (1836) de Schumann manque de poids et de profondeur. La tension se maintient difficilement et l’on ne trouve que rarement tout ce qui est généralement associé à cette musique: déraison, enthousiasme, tendresse...


En bis, toujours un demi-ton plus bas (si mineur), dans la Sonate K. 27 (1738) de Scarlatti, Gaspard Dehaene, élégant et subtil, a de qui tenir: sa mère, Anne Queffélec, est de longue date une interprète reconnue du compositeur napolitain (voir ici). C’est ut qui aura cependant le dernier mot, mais on cherchera une fois de plus en vain la fantaisie dans la... Fantaisie (1789) de Haydn.


Le site du festival de La Roque d’Anthéron



Simon Corley

 

 

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