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La guerre via la danse Avignon Cour du lycée Saint-Joseph 07/15/2015 - et 16, 17, 18*, 20, 21, 22 juillet 2015 Monument 0 : Hanté par la guerre (1913-2013) Ezster Salamon (conception et chorégraphie), Ezster Salamon et Ana Vujanović (dramaturgie), Vava Dudu et Olivier Mulin (costumes), Sylvie Garot (lumières)
Boglárka Börcsök, Ligia Lewis, João Martins, Yvon Nana-Kouala, Luis Rodriguez, Corey Scott-Gilbert (danseurs)
(© Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon)
Créé il y a juste un an en Allemagne à l’International Sommerfestival Kampnagel Hamburg, le spectacle Monument 0 : Hanté par la guerre (1913-2013) de la chorégraphe hongroise Eszter Salamon est présenté de nuit dans le cadre clos et austère de la cour du lycée Saint-Joseph d’Avignon. La traversée de ce lycée de jésuites quasi bicentenaire, dont les hautes portes des salles de classe et les longs couloirs que l’on parcourt donnent froid dans le dos malgré la touffeur de la nuit avignonnaise, conditionne à l’austérité d’un spectacle assez décrié par la critique et bien accueilli par le public.
Eszter Salamon, assistée d’historiens, a fouillé dans le passé à la recherche de guerres extra-européennes dans lesquelles des nations occidentales étaient impliquées. Ces guerres, qui s’échelonnent sur un siècle, ne sont pas nommées mais évoquées par des panonceaux qui, aussitôt installés, sont vite dispersés en une danse rageuse par un danseur noir, un immense athlète en short de sport affublé d’un manteau blanc et d’une capeline à fleurs comme les femmes de Louisiane en tenue de fête. C’est l’une des dernières images, une des plus spectaculaires mais pas forcément la meilleure, d’un spectacle à plusieurs facettes auquel on peut ne reprocher d’être trop long, mais de manquer de concision.
Après un mystérieux prélude dans le noir où l’on aperçoit des corps jonchant le sol alors que s’élève dans la nuit une mélopée orientale, se succèdent des tableaux dans lesquels plusieurs danseurs masqués et aux corps peints comme pour des rites africains, ou vaudous, ou indiens (la chorégraphe cite comme références l’Afrique, le Moyen-Orient, Bali, le Tibet, les Caraïbes...) dansent frontalement, ce qui finit par gêner car on sent trop le détournement occidental de toute cette dramaturgie anthropologique, des solos, duos, ensembles, tous fascinants par leur inspiration tribale, guerrière, populaire, mais dont la répétition semble ne pas trouver de limite. Suit un très long tableau dans lequel les six danseurs évoquent violemment et plus clairement la lutte, la guerre, le sang, qui mène à des transes d’une virtuosité bluffante mais qui ne semble jamais finir bien que plusieurs occasions se présentent de le faire... L’ensemble dégage une force indéniable, donne à penser et réfléchir et mériterait d’être resserré pour prendre le spectateur à la gorge et ne pas laisser sa concentration s’évader.
Olivier Brunel
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