About us / Contact

The Classical Music Network

Montpellier

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Prendre l’humour au sérieux

Montpellier
Opéra Comédie
07/15/2015 -  et 16, 17* juillet 2015
Joseph Bodin de Boismortier: Don Quichotte chez la duchesse
Emiliano Gonzalez Toro (Don Quichotte), Marc Labonnette (Sancho Pança), Chantal Santon Jeffery (Altisidore, La Reine du Japon), Joao Fernandes (Montésinos, Merlin, Le Traducteur), Gilles Benizio (Le Duc, Le Japonais), Camille Poul (Une paysanne, Une amante, Le «joli Sapajou»), Charles Barbier (Un amant)
Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction)
Corinne et Gilles Benizio (mise en scène), Philippe Lafeuille (chorégraphie), Daniel Bevan (décors), Jacques Rouveyrollis (lumières), Charlotte Winter, Anaïs Heureaux (costumes)




«Trente ans d’amour» : beaucoup de couples tiennent moins longtemps que le festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon qui continue à proposer depuis trois décennies une des programmations les plus riches, originales et diversifiées en France pendant la période estivale. La grille des manifestations, la plupart gratuites, reste identique, dans son principe, à celle des années précédentes, avec, outre les concerts (payants) à 20 heures, les traditionnels rendez-vous gratuits à 12 heures 30 («Jeunes solistes») et à 18 heures («Musique de chambre») dans la salle Pasteur du Corum, dont la climatisation constitue un délice lorsque la chaleur s’abat sur la ville comme une chape de plomb. Le jazz bénéficie de sa propre série, à 20 heures 30 et à 22 heures au Domaine d’O, de même que la musique électronique, du 20 au 22 juillet, les musiques du monde n’étant pas oubliées non plus.


La longueur de l’intitulé du festival trouve sa justification dans l’organisation de nombreux concerts dans pas moins de vingt-neuf communes de la métropole montpelliéraine ainsi que dans quarante villes disséminées dans toute la région Languedoc-Roussillon, le festival se délocalisant à Perpignan pour la première fois cette année. Du 9 au 25 juillet, la première édition placée sous la direction de Jean-Pierre Rousseau, qui succède à Jean-Pierre Le Pavec, comporte quelques particularités : coup d’envoi du festival à Mende au lieu de Montpellier, journée du 11 juillet consacrée au piano («L’Everest pianistique»), concerts un peu partout dans la région, le 12 juillet, et dans la préfecture, le 13 juillet, ceux-ci se tenant, dans ce dernier cas, l’après-midi et le soir dans des lieux moins souvent investis (musées, églises, jardins). En outre, le directeur maintient les «Rencontres de Pétrarque», les «Rencontres de Berlioz», en collaboration, cette année, avec le CNSMD de Lyon, et les «Rendez-vous de l’INA». Exemple de fidélité : l’affiche est signée Gérard Matharan qui a conçu celles des années 1991 à 1994.



(© Concert Spirituel)


Trois représentations de Don Quichotte chez la duchesse (1743) de Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755) se tiennent du 15 au 17 juillet à l’Opéra Comédie, une production montée l’hiver dernier à Metz et à Versailles dans une distribution, à quelques exceptions près, identique. Le programme indique que cet opéra-ballet comique en trois actes, sur un livret de Charles-Simon Favart, est la première œuvre que le Concert Spirituel a exécutée en concert il y a vingt-sept ans. Le fondateur de cet ensemble jouant sur instruments anciens, Hervé Niquet, prend son art au sérieux sans se prendre au sérieux. Le voici, dès lors, qui entre dans la salle par une porte latérale, en costume de Don Quichotte et une lance à la main, entame un laïus humoristique en espagnol et poursuit en français, sur un ton tout aussi comique, pour présenter l’œuvre, le compositeur et le librettiste.


Une fois dans la fosse, le chef interagit à plusieurs reprises avec le Duc incarné par Gilles Benizio qui signe la mise en scène avec sa femme, Corinne, avec qui il forme le duo d’humoristes Shirley et Dino. Durant un interlude, cette dernière intervient d’ailleurs en chanteuse espagnole au charme discutable et chantant faux sous le rythme des castagnettes jouées par Hervé Niquet, cette fois costumé en toréador. Cette fine équipe a déjà imaginé, dans le même esprit, un remarquable King Arthur créé, justemment, à Montpellier il y a quelques années et immortalisé en en DVD. Le couple a aussi plus récemment témoigné de son sens supérieur du divertissement dans une amusante Belle Hélène à l’Opéra royal de Wallonie.


Loufoque et sans queue ni tête, le livret autorise une approche aussi décalée et parodique. Lorsque le Duc demande au chef une musique de circonstance, l’orchestre entonne tantôt l’indicatif de la 20th Century Fox (avec le cri du lion de la MGM poussé par les musiciens de l’orchestre), tantôt une sonnerie bien connue de téléphone portable. Se succédant sans temps morts, les idées demeurent le plus souvent réjouissantes et dépourvues de vulgarité ou d’allusions en dessous de la ceinture. Les décors dans l’esprit d’un livre de contes de Daniel Bevan et les costumes hauts en couleur de Charlotte Winter et d’Anaïs Heureaux contribuent à la dimension fantaisiste et poétique de ce palpitant spectacle qui file d’une seule traite. Corinne et Gilles Benizio comblent l’absence des scènes de comédie prévues à l’origine, et aujourd’hui perdues, par des épisodes de pur divertissement toujours à propos et qui compensent l’inspiration inégale de la musique.


L’humour et la décontraction n’excluent pas la rigueur comme le démontre la prestation du Concert Spirituel, vif et séduisant sous la direction ferme et inspirante de son chef, fin connaisseur de la musique française. La distribution se prête au jeu avec un enthousiasme communicatif, soucieux du phrasé, de l’intonation et de la diction, les sous-titres s’avérant le plus souvent superflus. Parmi les meilleures prestations figurent celles d’Emiliano Gonzalez Toro, Don Quichotte éberlué, de Marc Labonette, parfait en Sancho Pança, sans forcer le trait, et de Chantal Santon Jeffery qui dispense, dans le rôle d’Altisidore et de la Reine du Japon, de délectables moments de beau chant.


Le site du festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com