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Cinquante nuances de Haendel

Aix-en-Provence
Grand Théâtre de Provence
07/02/2015 -  et 4, 10, 12*, 16, 18, 20 juillet 2015
Georg Friedrich Haendel : Alcina, HWV 34
Patricia Petibon (Alcina), Philippe Jarrousky (Ruggiero), Anna Prohaska (Morgana), Katarina Bradić (Bradamante), Anthony Gregory (Oronte), Krzysztof Baczyk (Melisso), Elias Mädler/ Lionel Wunsch* (Oberto)
MusicAeterna (Chœur de l’Opéra de Perm), Vitazly Polonsky (chef de chœur), Freiburger Barockorchester, Andrea Marcon (direction musicale)
Katie Mitchell (mise en scène), Dan Ayling, Robin Tebbutt (assistants à la mise en scène), Chloe Lamford (décors), Blanca Anon Garcia (assistante aux décors), Laura Hopkins (costumes), Clémence Pernoud (assistante aux costumes), James Farncombe (lumières), Joseph W. Alford (collaborateur aux mouvements)


(© Patrick Berger)


Alcina attire les hommes dans son palais décrépi, représenté en coupe sur deux étages. Dans un grand salon – seule pièce à n’avoir pas subi l’usure du temps – la magicienne et sa sœur Morgana se livrent avec leurs proies plus ou moins consentantes à des ébats érotiques enflammés et à des jeux sadomasochistes que ne renieraient pas un célèbre marquis ni, plus prosaïquement, l’auteur de Cinquante nuances de Grey. Une fois que les hommes ont assouvi les désirs et les fantasmes des deux femmes, ils finissent en animaux empaillés, non sans un certain humour d’ailleurs puisqu’ils passent dans une longue machine pour leur transformation. Alcina et Morgana ont retrouvé jeunesse et beauté grâce à des injections et des breuvages douteux, mais lorsqu’elles quittent le salon pour passer dans d’autres pièces, elles vieillissent subitement et perdent leurs charmes. Le procédé est ingénieux : les chanteuses sont doublées par des actrices dont les mouvements sont coordonnés à la seconde près lorsqu’elles franchissent les portes. Contrairement à sa sœur Morgana, qui ne recherche que le plaisir SM, Alcina aspire, elle, au grand amour. L’adieu à Ruggiero est d’autant plus poignant que la magicienne est tombée enceinte. Transformations, passé-présent, jeunesse-vieillesse, plénitude-décrépitude, pouvoir (sexuel) des femmes… L’Alcina superbement mise en scène par Katie Mitchell à Aix-en-Provence est d’une telle richesse qu’elle se lit comme un spectacle à clés multiples, sorte de miroir réfléchissant certains travers de notre société, sans que le livret s’en trouve parasité. Le coup est magistral.


Aux possibilités infinies suggérées par la mise en scène font écho les nuances infinies de la direction musicale. Sous la baguette d’Andrea Marcon, l’Orchestre baroque de Fribourg se fait soyeux, précis et dynamique à la fois, avec des « tempi » particulièrement contrastés, quand bien même on aurait souhaité une lecture un peu plus tonique, surtout au début de l’ouvrage. Le plateau vocal est somptueux. Dans le rôle-titre, Patricia Petibon est la sensualité incarnée ; la chanteuse offre des moments de grâce pure, notamment un « Ah mio cor » entrecoupé de silences qui suspendent le temps. L’intensité émotionnelle est telle que la salle entière est parcourue de frissons. Ruggiero homme-enfant ne sachant pas très bien ce qui lui arrive, Philippe Jaroussky enchaîne de sa voix séraphique les vocalises les plus périlleuses et ne se prive jamais d’ornementer son chant. C’est néanmoins dans le langoureux et mélancolique « Verdi prati » qu’il est à son meilleur. Malgré quelques incertitudes dans les vocalises, Anna Prohaska fait merveille en Morgana ardente et pétillante. Katarina Bradić incarne un Bradamante vaillant aux beaux graves ambrés. On retiendra aussi les belles interventions en Oberto de Lionel Wunsch (membre du Tölzer Knabenchor), jeune chanteur qui ne manque pas d’aplomb. L’Alcina d’Aix-en-Provence restera assurément comme l’une des plus belles réussites de l’été musical 2015.


L’intégralité du spectacle sur le site arte.tv:






Claudio Poloni

 

 

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