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Alceste au tableau noir

Paris
Palais Garnier
06/16/2015 -  et 18, 20, 23, 25, 28 juin, 1er, 5, 7*, 9, 12, 15 juillet 2015
Christoph Willibald Gluck : Alceste
Stanislas de Barbeyrac (Admète), Véronique Gens (Alceste), Stéphane Degout (Le Grand Prêtre d’Apollon, Hercule), Chiara Skerath (Coryphée soprano), Manuel Nuñez Camelino (Evandre, Coryphée alto), Kevin Amiel (Choryphée ténor), Tomislav Lavoie (Apollon, Un héraut, Coryphée basse), François Lis (Un dieu infernal, L’Oracle)
Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre Grenoble, Marc Minkowski*/Sébastien Rouland (direction musicale)
Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Bertrand Killy (lumières)


V. Gens, M. Minkowski (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)


La reprise d’Alceste de Gluck pour la fin de la saison du Palais Garnier est l’exemple même de la métamorphose d’un spectacle qui, à sa création, n’avait pas convaincu, faute de préparation suffisante et par une distribution inadaptée.


Ouvrant la saison 2013-2014, Alceste, la première des deux mises en scènes que réalisaient Olivier Py et le scénographe Pierre-André Weitz pour l’Opéra national de Paris – une Aïda très décriée devait immédiatement suivre –, avec dans la fosse non l’orchestre maison, ni ses chœurs sur scène, mais une formation baroque, affichait une distribution limite pour une première scène nationale – on pense, en écrivant, cela aux tarifs pratiqués. Le nouveau directeur du festival d’Avignon et Weitz, dont l’actuelle mise en scène de Lear de Shakespeare au Palais des Papes est très contestable, reprenaient le système de praticables et d’escaliers qui leur est cher et, tout étant gris ardoise sur scène, quatre dessinateurs à la craie s’employaient dès avant le lever de rideau à figurer, par de jolies esquisses telles des fresques, les lieux de l’action. Celle-ci étant assez mince (le roi Admète doit mourir sur prescription des dieux infernaux et la reine Alceste veut mourir à sa place avant qu’ils ne soient sauvés tous les deux par Hercule et Apollon), cela laisse tout loisir à ces artistes de déployer leur talent: c’était la partie la plus réussie du spectacle, lequel ne convoque pas vraiment le spectateur dans une ambiance de tragédie grecque mais dans un temps plutôt contemporain où tout le monde est habillé en noir, certes, mais à la bonne franquette. Après l’entracte, musiciens et acteurs changent d’espace vital, ces derniers descendant dans la fosse, qui figure les Enfers. On ne peut pas dire que le procédé ne fonctionne pas, mais l’ensemble est assez glaçant. Pour cette reprise, le fait de disposer pour les deux rôles principaux de deux chanteurs appariés de ton, de stature et de noblesse et d’une direction d’acteurs plus soignée a donné l’impression de voir un autre spectacle et de découvrir vraiment les intentions de Py. Autant les chanteurs de la création de cette production ne semblaient pas habités par leurs rôles comme il le fallait pour donner à ces créatures mythiques le souffle qui leur permette de toucher le public d’aujourd’hui, autant ceux de cette reprise nous ont convaincu.


Contrairement à Sophie Koch qui abordait le rôle, corsetée dans le style gluckiste et très mal à l’aise dans la tessiture d’Alceste, Véronique Gens l’a beaucoup pratiqué et elle lui confère toute sa dimension tragique et sa noblesse. Sa diction est admirable, la voix constamment souple et à l’aise, et elle se joue des pièges de «Divinités du Styx» avec une grande aisance, conférant une tendresse débordante à «Ah malgré moi» et déclamant avec une science parfaite «Non ce n’est pas un sacrifice». Pour Admète, Yann Beuron avait eu la lourde charge de remplacer Roberto Alagna qui s’était dédit et le faisait avec toute la sympathie possible. Stanislas de Barbeyrac, qui avait débuté dans la production dans le rôle d’Evandre, s’empare du rôle royal avec une maîtrise qui force l’admiration. Ce jeune ténor, deux mois à peine après avoir créé la surprise dans le rôle de Lyonnel dans Le Roi Arthus, fait à nouveau la preuve de moyens considérables, autant vocaux que scéniques. Son timbre généreux et sa déclamation d’un beau classicisme sont l’idéal pour Gluck, comme il l’a démontré dans «Bannis la crainte et les alarmes», chanté avec autant de tendresse que de noblesse. Il lui manque simplement une articulation tout à fait satisfaisante pour toucher la perfection.


On n’en dira pas autant de Stéphane Degout, qui allie pour le rôle du Grand Prêtre la beauté vocale et la sûreté de la grande tradition française et du chant tragique. Il enlève aussi, bel exploit, le rôle d’Hercule avec une classe qui laisse pantois. Autant le Chœur que les quatre chanteurs qui assurent les Coryphées font avancer l’action avec beaucoup de talent Beaucoup des comportements facétieux et de l’agitation inutile a été gommé pour cette reprise. Surprise enfin avec l’Orchestre des Musiciens du Louvre Grenoble, que l’on avait trouvés bien peu en situation il y a deux ans. Marc Minkowski, qui a enregistré et beaucoup pratiqué la partition, leur a permis cette fois de trouver le ton juste et a insufflé ce qui manquait à l’époque pour donner à l’œuvre sa véritable dimension dramatique.



Olivier Brunel

 

 

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