About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Curiosités aux champs

Paris
Champs-sur-Marne (Orangerie du château)
07/05/2015 -  
Robert Schumann : Waldszenen, opus 82
Richard Wagner: Der fliegende Holländer: Chœur des fileuses – Tristan und Isolde: Isoldens Liebestod (arrangements Liszt)
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14 (arrangement Liszt)

Roger Muraro (piano)


R. Muraro (© Alix Laveau)


Le château de Champs-sur-Marne avait connu un festival de musique baroque de 1990 à 2000, autour de Couperin, mais il avait dû être interrompu en raison de l’importante campagne de restauration du château. Celui-ci ayant rouvert en 2013, le Centre des monuments nationaux relance son animation par un nouveau mini-festival, de trois concerts cette année, dont le pianiste Roger Muraro anime le deuxième volet, le troisième et dernier devant avoir lieu dimanche 12 juillet. Alors que Paris étouffe sous la chaleur et que les musiciens semblent avoir déserté la capitale, l’initiative est des plus heureuses : le cadre, à dix-huit kilomètres, est magnifique, l’orangerie au fond de l’immense parc un havre de paix, et les artistes de haute valeur.


Roger Muraro débute par les Scènes de la forêt (1849) de Robert Schumann (1810-1856). Il interprète ses neuf pièces avec une grande simplicité, les tirant clairement vers l’atmosphère des Scènes d’enfants. Les «Fleurs solitaires», tout près du jardin potager et des parterres de fleurs des champs butinées en cet après-midi estival par les abeilles, comme des frondaisons des arbres environnants, ont un charme tout particulier. «L’Oiseau prophète» est nimbé de poésie mais plus mystérieux, comme le «Lieu maudit», qu’inquiétant. Roger Muraro lance enfin une «Chanson de chasse» absolument idéale avant de quitter la forêt avec toute la pudeur qui le caractérise, ménageant la pédale de son Steinway, compte tenu de la forte réverbération de l’orangerie.


Il propose ensuite le «Chœur des fileuses» du Vaisseau fantôme (1843) de Richard Wagner (1813-1883) tel que revisité en 1860 par Franz Liszt (1811-1886). Se méfiant toujours de sa pédale, Roger Muraro évite toute vulgarité, dans une partition où le mauvais goût n’est pourtant pas loin. Sa virtuosité, notamment à la fin lorsque ses mains, tenues très hautes, jouent de façon superposée, est aussi discrète qu’exemplaire. Sans pause, de façon un peu surprenante, il embraye immédiatement sur la Mort d’Isolde (1867), chant d’amour éperdu plus que derniers spasmes d’une femme éplorée au bord du gouffre éternel.


La seconde partie est exclusivement consacrée à un arrangement un peu moins connu, celui de la Symphonie fantastique (1830) d’Hector Berlioz (1803-1869). Le pianiste tient à en souligner, dans une brève présentation, le caractère novateur du point de vue de l’écriture pianistique ; François Liszt, comme indiqué sur la première publication française de l’arrangement, avait été subjugué à dix-neuf ans par la création de la symphonie en 1830 et, finalement, Hector Berlioz, guitariste en délicatesse avec l’instrument, accepta l’hommage du compositeur hongrois, véritable tour de force il faut le reconnaître. On peut évidemment rester dubitatif face au résultat, à cette mise à plat sous un rouleau compresseur qui écrase de la sorte toutes les couleurs orchestrales berlioziennes. Roger Muraro fait ce qu’il peut pour éviter de noyer les sources sonores et qu’elles se neutralisent ; il reste clair et méticuleux jusqu’au bout, étincelant, mais il est surtout convaincant dans les passages où la transcription est la meilleure, peut-être parce que plus simple : le «Bal» et la «Marche au supplice». Entre les deux, la «Scène aux champs», sans la surprise de leurs timbres originaux, frise l’ennui.


Après un tel monument, une telle curiosité, qui n’est pas à la portée de premier venu, le public tente d’obtenir un bis mais l’artiste rappelle en quelques mots rapides et à peine audibles que, en substance, rien ne saurait faire le poids et que ce n’est pas une Lettre à Elise, dont il joue les premières notes, qui suffirait. On ne saurait lui donner tort.



Stéphane Guy

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com