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On a perdu Adrienne

Paris
Opéra Bastille
06/23/2015 -  et 26, 29* juin, 3, 6, 9, 12, 15 juillet 2015
Francesco Cilea : Adriana Lecouvreur
Marcelo Alvarez (Maurizio), Wojtek Smilek (Il Principe di Bouillon), Raúl Giménez (L’Abate di Chazeuil), Alessandro Corbelli (Michonnet), Alexandre Duhamel (Quinault), Carlo Bosi (Poisson), Angela Gheorghiu/Svetla Vassileva* (Adriana Lecouvreur), Luciana D’Intino (La Principessa di Bouillon), Mariangela Sicilia (Madamigella Jouvenot), Carol García (Madamigella Dangeville)
Chœur de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Daniel Oren (direction musicale)
David McVicar (mise en scène), Charles Edwards (décors), Brigitte Reiffenstuel (costumes), Adam Silverman (lumières), Andrew George (chorégraphie)


(© Vincent Pontet/Opéra national de Paris)


Histoire de star comme Tosca, Adrienne Lecouvreur, créé deux ans plus tard en 1902, suffit à faire passer Cilea à la postérité – même la belle Arlésienne ne s’est pas vraiment imposée. La diva fait place à une étoile du théâtre, la reine de la Comédie française Adrienne Lecouvreur, maîtresse de Maurice de Saxe, que Voltaire pleura tant. Mais elle ne meurt pas victime de la lubricité policière, elle est empoisonnée par une rivale haineuse – pure légende au demeurant. Un rôle en or, ici aussi, pour les divas : si Maria Callas, étrangement, n’incarna pas la Lecouvreur à la scène, Magda Olivero, Renata Tebaldi, Renata Scotto, jusqu’à Joan Sutherland sur le tard, ne résistèrent pas.


A Bastille, Angela Gheorghiu alterne avec Svetla Vassileva. La Roumaine a été diversement appréciée. La Bulgare ne séduit pas vraiment : elle n’est pas Adrienne, ni vocalement ni scéniquement, plutôt proche parfois d’une petite femme puccinienne. Sans doute veut-elle faire tomber le masque de la comédienne pour révéler les fragilités de la femme, mais elle prive du coup le personnage de sa substance. La voix révèle aussi des faiblesses, déjà remarquées dans sa Butterfly : timbre sans opulence, aigu souvent entaché de vibrato, médium modeste. Demeurent de très jolies demi-teintes, une composition touchante, un chant qui s’affirme et s’affine progressivement après un air d’entrée incertain, jusqu’à un beau dernier acte. Cela dit, on ne voit pas, on n’entend pas la Lecouvreur.


Fidèle à elle-même, avec sa grande voix, son registre de poitrine généreux, son incarnation au premier degré, la solide Luciana d’Intino, pas très princesse au demeurant, n’en fait qu’une bouchée. De toute façon, on retient surtout de cette soirée les soupirants transis de la comédienne. Marcelo Alvarez est en voix, à peine en deçà de la vaillance exigée par le récit de ses exploits guerriers au troisième acte. Il s’épanouit dans de grands élans de lyrisme sans débraillé pseudo-vériste, s’attendrit dans des effusions enamourées : c’est le meilleur Alvarez. Et Alessandro Corbelli, encore debout vocalement à plus de soixante ans, campe le plus émouvant des Michonnet, entre la basse bouffe et le baryton d’opéra, plein de passion tutélaire et timide. Adrienne tient aussi par les rôles secondaires, parfaitement distribués ici.


Cilea est un de ces véristes subtils que Puccini a éclipsés. Fluidité de la pâte sonore, raffinement des timbres, pastiches en clin d’œil : l’orchestre ne se contente pas d’accompagner amoureusement les voix. Daniel Oren l’a bien compris, qui se love dans la sensualité de la musique, prenant son temps pour mieux la goûter et la faire goûter, quitte à user et abuser du rubato. Sa direction a du coup tendance à se laisser porter par l’œuvre plus qu’à la porter, ce qui alanguit un peu la tension dramatique.


Cela se sent d’autant plus que David McVicar s’en tient au classicisme le plus littéral, lui qu’on sait si inventif. Beaux costumes, beaux décors à l’ancienne, où le théâtre est omniprésent : c’est le domaine d’Adrienne, pour qui il se confond avec la vie. Si l’on sent un infaillible métier, s’autorisant quelques pointes d’humour dans le ballet, la direction d’acteurs reste souvent trop statique – surtout quand il s’agit d’Alvarez, au jeu toujours limité. La chose fonctionnait mieux avec Angela Gheorghiu et Jonas Kaufmann (voir ici, comme en témoigne le DVD paru chez Decca. C’est en effet une nouvelle production pour l’Opéra de Paris, mais pas de l’Opéra de Paris : plusieurs scènes internationales l’ont déjà mise à l’affiche. C’est aussi la dernière de Nicolas Joel : place maintenant à la première saison de Stéphane Lissner.



Didier van Moere

 

 

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