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Bill en son royaume

Versailles
Château
06/25/2015 -  et 26* juin 2015
«La nuit Louis XIV de William Christie»
Elodie Fonnard (dessus), Emilie Renard (bas-dessus), Virginie Thomas (dessus), Reinoud Van Mechelen (haute-contre), Victor Sicard (basse), Denis Podalydès (textes et comédien), Adrien Couvez (danseur)
Chœur et orchestres des Arts Florissants, William Christie (direction)
Nicolas Paul (chorégraphie)


W. Christie (© Michel Szabo)


Deux soirs de suite, William Christie et son ensemble (chœur et orchestre) des Arts Florissants investissent le Château de Versailles à l’occasion d’une «Nuit Louis XIV», vaste programme de presque quatre heures, passant des ors de l’Opéra royal aux stucs de la Chapelle royale avant d’investir les glaces de la Galerie la bien nommée: autant dire une plongée dans l’Histoire puisque, dans le cadre des multiples festivités organisées à l’occasion du tricentenaire de la mort du Roi soleil (survenue au petit matin du 1er septembre 1715), nous voici revenus aux temps glorieux de la Cour de Louis XIV qui vivait, il est vrai, à l’heure ou, en tout cas, environnée de musique.


Versailles connut de nombreuses grandes fêtes, qu’il s’agisse des Plaisirs de l’Ile enchantée au début du mois de mai 1664, où œuvrait déjà Lully (surnommé à cette époque «L’Orphée de nos jours»), du Grand divertissement royal de Versailles de juillet 1668, où fut notamment jouée la comédie-ballet Georges Dandin de Molière et Lully, ou des Divertissements de Versailles donnés aux mois de juillet et d’août 1674. Comme le rappela fort justement Denis Podalydès au début du spectacle musical donné à l’Opéra royal, la musique fut au centre de la vie de la Cour, Olivier Beaumont notant de son côté: «Pendant toutes les années de ce long règne, la musique à Versailles fut l’un des plus puissants instruments au service du pouvoir de Louis XIV» (La Musique à Versailles, Actes Sud-CMBV, page 145).


Opéra royal
Jean-Baptiste Lully: Atys: Prologue (Ouverture, Ritournelle, récitatifs «Cybèle veut que Flore» et «Rendons-nous s’il se peut», chœur «Préparez de nouvelles fêtes» & Menuet), acte III, scène 3 (Ritournelle, récitatif «Nous pouvons nous flatter», Sommeil & trio «Dormons, dormons tous») et acte V, scènes 2 à 4 (quatuor «Venez vous livrer au supplice», duo «L’Amour en courroux», récitatif «Toi qui portes partout», Prélude, récitatif «Quelle vapeur m’environne», chœur «Arrête malheureux», récitatifs «Je n’ai pu retenir» et «Que je viens d’immoler», chœur «Atys lui-même», récitatif «Quoi? Sangaride est morte?», chœur «Atys lui-même» & récitatif «Otez ce triste objet») – Armide: acte II, scène 5 (Prélude, air «Enfin il est en ma puissance», Prélude & air «Venez seconder mes désirs»
Marc-Antoine Charpentier: Médée: air «Qu’ai-je à résoudre encore?», air «Pour régner partout» & duo «Goûtons l’heureux plaisir»



Ainsi, après une première intervention du danseur Adrien Couvez sur la scène vide de l’Opéra mais fort agréablement ouverte sur toute sa profondeur – ce qui permit aux spectateurs d’apercevoir une partie du paysage extérieur, chose qui n’arrive en principe jamais! –, Denis Podalydès, incarnant le maître des lieux, se lança dans un discours savamment construit, évoquant avec humour la place des arts et tout spécialement de la musique au fil de son règne: «Mes guerres furent symphoniques» lança-t-il notamment, avant de préciser, rappelant ainsi l’omniprésence de la musique à la Cour, «Je mange, quatre mesures, je bois, six mesures...». Appelant ensuite à ses côtés les divers instrumentistes, choristes et solistes, il laissa la place à William Christie, qui dirigea divers extraits d’Atys et d’Armide de Lully, et de Médée de Marc-Antoine Charpentier. Les quatre jeunes solistes, Elodie Fonnard, Emilie Renard, Reinoud Van Mechelen et Victor Sicard, tous passés par le «Jardin des voix» de William Christie et Paul Agnew, font montre de leurs évidents talents, Reinoud Van Mechelen méritant tout particulièrement d’être remarqué ici pour la sensibilité de son chant et son sens du théâtre dans l’incarnation d’Atys, opéra dont Christie reste le plus beau défenseur (voir ici), lorsqu’il s’aperçoit que c’est lui qui a tué Sangaride, celle pourtant qu’il aime. On admire une fois encore, quelque peu frustré d’ailleurs de ne bénéficier que d’extraits trop brefs, la beauté de cette musique, et du chœur dans la fameuse scène du sommeil, sans doute l’un des plus beaux moments de l’opéra. Regrettons néanmoins dans cette première partie l’enchaînement sans avertissement, ni la moindre césure des œuvres au point que, en raison de leur proche parenté stylistique (en tout cas pour les deux opéra de Lully), on ne sache plus très bien si c’est Atys ou Armide qui est chanté.


Chapelle royale
Marc-Antoine Charpentier: Te Deum: Prélude, «Te Deum laudamus», «Te aeternum Patrem» & «Pieni sunt cœli»
Jean-Baptiste Lully: Regina Cœli
Henry Desmarest: Usquequo Domine: trio «Quamdiu ponam consilia»
Michel Richard de Lalande: In te Domine speravi




Hyacinthe Rigaud, Louis XIV en costume de sacre (1701)
(Château de Chantilly)



Changement de décor ensuite pour une deuxième partie consacrée au répertoire religieux jouée sous le règne de Louis XIV. Le temps pour le public de quitter lentement l’Opéra royal et le voici gagnant la Chapelle royale (1699-1710) où, le temps que tous (spectateurs et artistes) s’installent, on admire une fois encore les plafonds peints par Coypel, La Fosse et Jouvenet. «Le Roi alloit à la messe, où sa musique chantoit toujours un motet» a écrit le duc de Saint-Simon: il était donc inévitable que la célébration de cette nuit louis-quatorzienne passe à un moment ou à un autre par le répertoire religieux qui, en l’espèce, après la déclamation d’un texte passionné et foisonnant par Denis Podalydès, débuta par quelques extraits du célèbre Te Deum de Charpentier, inauguré avec rythme et pompe par les timbales de Marie-Ange Petit et les trompettes des habituels Jean-François Madeuf et Gilles Rapin. Succédant à cette brillance musicale, le trio Regina Coeli de Lully permit aux voix d’Elodie Fonnard et d’Emilie Renard, rejointes pour l'occasion par Virginie Thomas, de se marier dans un climat dépouillé extrêmement prenant (climat extatique renforcé par les deux flûtes de Serge Saitta et Sébastien Marq, et l’orgue positif de Paolo Zanzu): prélude fort opportun au déchirant trio «Quamdiu ponam consilia» tiré du Usquequo Domine de Desmarest, œuvre composée alors qu’il était en exil en Lorraine, Elodie Fonnard étant ici merveilleusement accompagnée par Reinoud Van Mechelen et Victor Sicard. Concluant de la plus belle manière une partie là aussi frustrante tant on aurait aimé, l’acoustique idéale de la Chapelle royale aidant, qu’elle se poursuive, Christie lança ses solistes et ses forces des Arts Florissants dans un extrait du Te Deum de Lalande, en l’occurrence la dernière partie («In te Domine speravi»), brillante et extrêmement théâtrale avec ses à-coups, ses relances soudaines et un foisonnement orchestral propre à illustrer toute la pompe des cérémonies du Grand Siècle.


Galerie des Glaces
Marc-Antoine Charpentier: Le Malade imaginaire: Ouverture, Prologue, Eglogue en musique et en danse (extrait) & chœur «Joignons tous dans ce bois» – Les Plaisirs de Versailles: scène 1
François Couperin: Premier Concert Royal: Sarabande
Jean-Baptiste Lully: Le Bourgeois Gentilhomme: Première entrée (cérémonie des Turcs)
Michel Richard de Lalande: Les Fontaines de Versailles: chœur «Finissons nos concerts»
Robert de Visée: Chaconne en la mineur



Après que William Christie eut exhorté le public à davantage respecter les lieux et les artistes en ne prenant pas de photos (encore moins avec flash!), rappelant vertement à tout un chacun que Versailles n’était tout de même pas un parc d’attractions, les spectateurs quittèrent la Chapelle royale pour, après quelques embouteillages et quelques tensions – comme quoi la musique n’adoucit pas toujours les mœurs –, traverser tous les grands appartements, du salon de l’Abondance au salon de la Guerre en passant par le salon d’Apollon où trône le célèbre portrait de Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud, pour finalement se retrouver dans la galerie des Glaces, dernier lieu de réjouissances de cette soirée. Alors que l’ensemble des spectateurs n’était pas encore tout à fait parvenu au lieu de rendez-vous, Christie lança son orchestre dans l’Ouverture du Malade imaginaire de Charpentier après, là aussi, un fort beau numéro de comédien de Denis Podalydès. Si, du strict point de vue musical, un des plus beaux moments fut certainement la Chaconne de Visée interprétée au théorbe par Thomas Dunford, fendant la foule et précédé par le danseur Adrien Couvez, morceau délicat célébrant la mort du Roi, la meilleure partie fut certainement la «Cérémonie des Turcs» tirée du Bourgeois Gentilhomme, où Victor Sicard et les voix masculines du chœur des Arts Florissants furent superbes, jouant sur les onomatopées, les cris, les gestes, lançant des Ioc! terrifiants, l’impression ayant été d’autant plus forte que, pour cette dernière partie, les musiciens et chanteurs se mêlaient au public, debout dans la galerie des Glaces, chacun profitant donc au plus près des autres. Enfin, concluant la soirée de la plus royale manière, un feu d’artifice, tiré depuis les jardins, illumina la galerie des Glaces, où retentit en bis l’Ouverture du Malade imaginaire qui avait inauguré cette dernière partie.


Même si l’organisation de cette soirée a parfois pâti de quelques anicroches (la fluidité des trajets n’étant pas toujours bien assurée, la distance avec l’orchestre dans la galerie des Glaces ayant parfois pu poser quelques inquiétudes aux instrumentistes, bassons et violoncelles notamment), et si les prestations du danseur Adrien Couvez ne nous ont pas toujours semblé indispensables, ni bien compréhensibles, il n’en demeure pas moins que ce fut un très beau moment, célébrant dignement une musique qui, comme tous les autres arts de cette époque, a grandement contribué à faire resplendir le soleil de Louis XIV.


Le spectacle en intégralité:



Sébastien Gauthier

 

 

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