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Orientalisme en version minimaliste

Rouen
Théâtre des Arts
03/20/2015 -  et 21 (Rouen), 29 (Genève) mars, 18, 19 mai (Paris) 2015
Xavier Dayer : Contes de la lune vague après la pluie (création)
Judith Fa (Ohama), Luanda Siqueira (La princesse Wakasa), Majdouline Zarari (Miyagi), Carlos Natale (Tobe), Benjamin Mayenobe (Genjuro), David Tricou (L’Homme sur le bateau, La gouvernante, Le vieux Prêtre)
Orchestre de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, Jean-Philippe Wurtz (direction musicale)
Vincent Huguet (mise en scène), Richard Peduzzi (scénographie), Caroline de Vivaise (costumes), Bertrand Couderc (lumières)


L’inspiration opératique a puisé plus d’une fois dans le corpus littéraire, et en particulier théâtral – Shakespeare ne pourrait manquer de le confirmer. On recense nettement moins d’occurrence d’origine cinématographique – genre, qui a l’inverse se fournit généreusement dans les autres formes artistiques. Autant dire que l’initiative de Xavier Dayer et d’Alain Perroux, lequel a endossé pour l’occasion l’habit du librettiste, d’adapter le film de Mizoguchi, Contes de la vague après la pluie, présentée en création mondiale à l’Opéra de Rouen, dans une production réalisée avec la Fondation Royaumont, relève d’une gageure pour le moins originale qu’il convient de saluer.


La trame narrative, que l’on retrouve avec une belle et poétique lisibilité dans l’opus lyrique, ne pouvait manquer d’attirer l’attention. Les aventures de Genjuro, pauvre potier de Kitaomi, constituent une belle parabole sur les illusions de la gloire et de la richesse, aux confins du fantasme et de la réalité, avec un sens de la ténuité et de la fragilité des choses d’une acuité sans doute propre à la tradition nippone. On ne s’attardera pas sur les contraintes textuelles qui président au passage d’un format à l’autre, si ce n’est pour se rassurer de ce que le résultat n’a pas cédé à l’excès d’orientalisme et de minimalisme que le Japon aurait pu instiller et s’inscrit de manière assez fluide dans la musique. Econome, jouant de sonorités feutrées consacrées par certains standards avant-gardistes, la partition constitue un support et un écrin admirables à une déclamation proche de la diction, dans des mélismes délicats qui ne renoncent aucunement à l’art vocal.


Les solistes lui rendent remarquablement justice et font vivre des personnages aux données psychologiques presqu’archétypales. Benjamin Mayenobe incarne sans réserve la crédulité et la fragilité de Genjuro, fil rouge et creuset autour duquel s’articule et bascule le drame. L’orgueil des ambitions démesurées du fils, Tobe, s’entend dans la vocalité de Carlos Natale, aux dimensions de cet opéra que l’on pourrait presque qualifier de chambriste. Majdouline Zarari émeut en Miyagi qui finira tuée par la guerre. Ancienne pensionnaire de l’Académie de l’Opéra Comique, Judith Fa confère à Omaha son lumineux babil et une évidente force de caractère. Luanda Siqueira offre une sensuelle et vulnérable Princesse Wakasa, tandis que David Tricou prête son frêle et limpide instrument à l’Homme sur le bateau, à la Gouvernante et au Vieux prêtre.


Si l’on ne peut passer sous silence le travail de Jean-Philippe Wurtz avec les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, on conclura cette chronique avec la mise en scène de Vincent Huguet, toute de sobriété évocatrice, qui n’a nul besoin d’exotisme pour transporter le spectateur vers un ailleurs en sustentation au-dessus de l’irréel du conte, que le public de l’Opéra Comique pourra découvrir en mai.



Gilles Charlassier

 

 

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