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I can’t sit down Madrid Teatro Real 06/10/2015 - et 12*, 16* juin, 1er, 4, 5, 7, 8, 10 juillet 2015 George Gershwin: Porgy and Bess Xolela Sixaba/Lindile Kenneth Kula (Porgy), Nonhlanhla Yende/Philisa Sibeko (Bess), Mandisinde Mbuyazwe/Mandla Mndebele (Crown), Arline Jafhta/Tina Mene (Serena), Siphamandla Yakupa/Nolyvuyiso Mpofu (Clara), Miranda Tini/Fikile Mthetwa (Maria), Aubrey Lodewyk (Jake), Lukhanyo Moyake/Makudupanyane Senaoana (Sportin’ Life)
Cape Town Opera Chorus, Marvin Kernelle (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Tim Murray (direction musicale)
Christine Crouse (mise en scène), Michael Mitchell (décors et costumes), Kobus Rossouw (lumières), Sibonakaliso Ndaba (chorégraphie)
X. Sixaba, N.Yende (© Javier del Real)
Ce n’est pas la perfection, ce n’est pas la profondeur non plus. Cela paraît authentique – mais cela, qui peut nous le garantir? Il y a une vérité, malgré tout, dans cette mise en scène un peu naïve, pleine d’agilité, de nerf, où tout est dansé, autant le cantabile que le dansable, parce que le chœur-troupe du Cap pourrait avoir comme devise le chant des voisins de Catfish Row pendant leur pique-nique: «I can’t sit down».
Et c’est vrai, leur danses, leur cabrioles, leur contorsions ne cessent jamais. Ils sont l’âme de la mise en scène de Christine Crouse, de la chorégraphie de Sibonakaliso Ndaba. Populaire, avec une touche de vulgarité, une renonciation au raffinement parce que le choix est autre: une compagnie-chœur d’un pays tel que l’Afrique du Sud, et nul autre, et l’objectif de considérer les Noirs américains comme leur frères de race, même si l’on connaît les différences entre les nombreuses populations d’origine ou souche subsaharienne.
Un détail dans tout cela: ils se sont permis quelques libertés avec la partition. Pas trop grave? Alors, on renonce aux détails, qui ne sont pas très nombreux, et peut-être y a-t-il des justifications pour chacun deux.
Il est peut-être vrai qu’il ne s’agit pas d’un «opéra nègre». C’est plutôt a folk opera, antécédent de beaucoup d’ouvrages créés aux Etats-Unis où, dans les premières années, l’importance du chef-d’œuvre de Gershwin n’a pas été perçue. En ce sens, Porgy and Bess est, tout comme Quatre Saints en trois actes (Virgil Thomson, livret de Gertrud Stein), un titre constitutif de l’histoire de l’opéra d’un pays. Mais cette troupe-chœur nous propose un opéra noir où la négritude est, comme d’habitude, essentielle, mais aussi – et voilà son grand atout – source d’une esthétique visuelle allant un pas au-delà la proposition de DuBose Heyward et Gershwin. Celui-ci ne voulait pas exactement un «opéra noir», mais c’est justement ce que veulent nos invités sud-africains. Leur danses, pas seulement leur chants, sont un élément sine qua non pour comprendre le sens de cette mise en scène, malgré ses petits manques, peut-être impossibles à séparer de la spontanéité, de l’agilité vitale, de la vérité auxquelles on a précédemment fait allusion.
On a vu deux distributions d’un très bon niveau, particulièrement la première, dont les protagonistes étaient Xolela Sixaba et Nonhlanhla Yende, deux voix exceptionnelles; mais l’autre distribution n’était pas moins bonne. Comme ce n’est pas ici le lieu pour dresser une liste exhaustive, il suffira d’une considération guère risquée: il y a de vraies stars dans les deux distributions. Dans les petits rôles, les solistes viennent du chœur, retournent au chœur, redeviennent solistes...
Hélas! Tim Murray n’offre pas le meilleur de la partition: la fosse n’est pas au niveau de la vitalité de la troupe. Peut-être était-ce trop demander. Cette troupe a montré dans une station de métro-train, à Madrid, son talent aux passants étonnés, interloqués, par la danse inattendue des Sud-Africains (voir ici). Le public des deux représentations leur a réservé un accueil chaleureux et leur a largement exprimé sa gratitude. On peut dire qu’il s’agissait d’une expérience différente, assez différente, du reste des productions d’un théâtre d’opéra. Ils reviendront le mois prochain, dans le même théâtre.
Santiago Martín Bermúdez
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