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Retour à la vérité de La Traviata

Tours
Grand Théâtre
05/20/2015 -  et 22, 24, 26*mai 2015
Giuseppe Verdi : La Traviata
Eleonore Marguerre (Violetta), Sébastien Droy (Alfredo), Kristian Paul*/Enrico Marrucci (Germont), Pauline Sabatier (Flora), Blandine Folio Peres (Annina), Guillaume Antoine (Le docteur), Yvan Rebeyrol (Gaston), Ronan Nédelec (Le baron), François Bazola (Le marquis), Laurine Fagu (La sœur d’Alfredo), Mickaël Chapeau (Giuseppe), Yvan Sautejeau (Le commissionnaire), Jean-Marc Bertre (Domestique)
Chœurs de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (chef de chœur), Orchestre symphonique Région Centre-Tours, Jean-Yves Ossonce (direction musicale)
Nadine Duffaut (mise en scène), Emmanuelle Favre (décors), Gérard Audier (costumes), Jacques Chatelet (lumières)


Fruit d’une coproduction réalisée avec Avignon, Metz, Reims, Toulon, Vichy et Massy, La Traviata mise en scène par Nadine Duffaut arrive à Tours en clôture de la saison 2014-2015. Transposant le destin de la demi-mondaine au cœur de l’hôtel Lutetia pendant les sombres heures de la Seconde Guerre mondiale. Dans le flux des courtisans qui passent la porte à tambour ne manquent alors pas les brassards à croix gammée sur fond orange, ni la mode vestimentaire des années quarante recréée par Gérard Audier. La translation chronologique n’oublie pas cependant la structure dramaturgique de l’ouvrage, enchâssant le souvenir de la vie festive dans le dénuement final – ce dernier étant admirablement souligné par les lumières crayeuses de Jacques Chatelet. D’aucuns pourront discuter l’exactitude historique de certains détails, sans pour autant renier l’efficacité de l’ensemble, et à cette aune, la projection cinématographique de la tonte, à la Libération, des femmes suspectées de «collaboration sexuelle» avec l’ennemi, en constitue un évident témoignage, appuyant la cruauté du carnaval et sa Promenade du Bœuf Gras dont Violetta entend la fanfare depuis son grabat.


Dans le rôle-titre, Eleonore Marguerre se déprend de l’aura de Maria Callas après laquelle les Mademoiselle Valéry semblent parfois courir. A rebours des dramatisations du personnage qui ont cours çà et là, la soprano allemande tire parti d’une émission éminemment mozartienne – son cœur de répertoire. Pour autant, le brillant et la légèreté du timbre ne limitent aucunement l’expressivité, et la déréliction de la phtisique touche par une authentique sincérité magnifiée par l’accomplissement technique. En Alfredo, Sébastien Droy, qui avait été Ferrando sur ces mêmes planches tourangelles en octobre dernier, se révèle plus à l’aise dans les éclats d’humeur de l’amant blessé, masquant alors davantage une fatigue sans doute accumulée au fil des représentations. Remplaçant Enrico Marrucci, Kristian Paul impose un Germont de haute stature, avec un legato idéalement paternel, et une présence d’une constance sans faille.


Les incarnations de second plan ne sont nullement reléguées à la figuration vocale. Pauline Sabatier dévoile une Flora subtile et sensible, quand Blandine Forio Peres, servante haut de gamme, épargne à Annina les habituels stigmates de l’âge ou de la domesticité caricaturale. Guillaume Antoine affirme un Docteur chez qui la concentration tient lieu de séduction. Le trio masculin formé par le Baron, Gaston et le Marquis, dévolus respectivement à Ronan Nédelec, Yvan Rebeyrol et François Bazola, sait jouer des caractères attendus. Prenant congé, au sortir de la dernière de cette production, d’une formation qu’il a dirigée pendant une décennie, Emmanuel Trenque confirme ici la qualité du travail réalisé avec les Chœurs de l’Opéra de Tours.


Mais la réussite singulière de cette Traviata doit beaucoup à la direction de Jean-Yves Ossonce, portant, comme à son habitude, l’Orchestre symphonique Région Centre-Tours à un niveau d’excellence. Nourrie d’une étude attentive de la partition, le chef français en restitue la délicatesse et la dynamique originelles. Coupant court aux usages apocryphes métamorphosant les cotillons verdiens en vulgarité de foire, il restitue la finesse d’une inspiration généralement dévoyée. Le célèbre brindisi retrouve ses saveurs élégantes de valse française, tandis qu’il n’est plus besoin de couper le commentaire choral final pour éviter la lourdeur tragique. La Traviata recouvre ainsi sa véritable identité, trop souvent oubliée sous des vernis de préjugés et de traditions.



Gilles Charlassier

 

 

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