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Le destin des œuvres Paris Philharmonie 1 06/02/2015 - Bernd Alois Zimmermann : Photoptosis – Requiem für einen jungen Dichter Leigh Melrose (baryton), Marisol Montalvo (soprano), Peter Schröder, Nico Holonics (récitants), Pierre Baux (comédien)
Les Cris de Paris, Geoffroy Jourdain (chef de chœur), Chœur de chambre Les Eléments, Joël Suhubiette (chef de chœur), Chœur de l’Armée française, Aurore Tillac (chef de chœur), Elèves du Département Jazz et Musiques improvisées du Conservatoire de Paris, Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR, Michel Tabachnik (direction)
M. Tabachnik (© Jean-Baptiste Millot)
Mélange des registres, quintette de jazz intégré à l’orchestre, électronique et sons réels, répartition des forces dans la salle, voix enregistrées de figures historiques comme Hitler, Alexandre Dubcek et Geórgios Papandréou, extraits – entre autres - de Saint-Augustin et de Wittgenstein, de Maïakovski et de Konrad Bayer, citations des Beatles et de Tristan : le Requiem pour un jeune poète, achevé par Bernd Alois Zimmermann en 1969, porte bien la marque de la fin des années 1960, où l’on voulait à la fois briser les glaces de la tradition et recréer, en la transformant, l’utopie de l’œuvre d’art total. D’une élaboration très poussée, aussi gigantesque qu’ambitieuse, la partition s’inscrit dans la succession des Soldats, opéra coup de poing qui était un peu un second Wozzeck.
Elle exerce encore un certain pouvoir de fascination, surtout si l’on se souvient que Zimmermann, traumatisé par le tragique de l’histoire du monde et, surtout, de celle de son pays, s’est donné la mort en 1970, comme Maïakovski ou Bayer, moins d’un an après la création du Requiem par Michael Gielen – rongé par la dépression, il se trouvait alors interné. Mais tandis que Les Soldats vous prend à la gorge, ce Requiem paraît parfois daté, avec des longueurs, surtout peut-être le Prologue. Tel est le destin des œuvres : entendu in loco il y a quelques mois, Pli selon pli, par exemple, n’a pas pris une ride. Michel Tabachnik, pourtant, met dans son geste autant de précision que d’enthousiasme, servi par des musiciens, instrumentistes ou choristes, également convaincus. Sans doute plus sensible, il est vrai, à l’édifice sonore qu’à la portée douloureuse du message.
Ce n’est pas à cause de sa brièveté – douze minutes contre soixante-cinq – que l’on préfère Photoptosis de 1968, sorte de crescendo lumineux et sonore, inspiré des fresques bleues du foyer du théâtre de Gelsenkirchen dues à Yves Klein et parsemé de citations musicales : à la tête d’un orchestre aussi énorme, le chef montre autant de souplesse que de rigueur, ce qui souligne le jeu du mouvement et de l’immobilité là où l’œuvre pourrait paraître statique ; il fluidifie la pâte sonore, non sans un certain hédonisme – on croirait entendre un nouveau Poème de l’extase... d’ailleurs cité par Zimmermann.
Pour le Requiem, même si la comparaison entre le concert et le disque s’avère souvent hasardeuse, on réécoutera, avant de trancher, le magnifique enregistrement de Michael Gielen chez Sony.
Didier van Moere
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