About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Dans la cour des grands

Strasbourg
Palais de la musique
06/04/2015 -  et 7 juin 2015
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 3 en ré mineur, opus 30
Piotr Illitch Tchaïkovsky : Symphonie n° 4 en fa mineur, opus 36

Cédric Tiberghien (piano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


C. Tiberghien (© Jean-Baptiste Millot)


Au cours de ce dernier concert de la saison d’abonnement 2014/2015 on retrouve Cédric Tiberghien, pianiste français toujours juvénile, encore que tout juste quadragénaire depuis quelques semaines, pour sa dernière apparition en tant qu’artiste en résidence. Sa prestation précédente en concerto (un Deuxième de Beethoven très fluide et agréable en novembre) avait beaucoup séduit, celle-ci, confrontation avec l’énorme Troisième Concerto de Rachmaninov, laisse davantage sur sa faim.


On comprend très bien que Cédric Tiberghien souhaite affronter ce mastodonte de temps en temps, d’autant plus qu’il possède assurément les moyens techniques voire l’endurance physique et nerveuse pour y faire bonne figure. N’empêche que cette exécution semble alternativement nous révéler deux pianistes différents. D’un côté un poète pétri d’élégance et de raffinement (à chaque exposition du thème récurrent du premier mouvement, par exemple), et de l’autre un technicien minutieux qui sculpte des myriades d’accords et de traits, certes plutôt bien, mais en gérant prioritairement l’intendance au détriment d’une véritable autorité sur le discours. Au lieu d’être envisagé comme un tout homogène chaque mouvement semble décomposé, phases plus musicales alternant avec phases plus techniques, en fonction de la densité de notes au centimètre carré. C’est à la fois intéressant, en tant que démontage d’une oeuvre hypervirtuose, et relativement perturbant. D’autant plus que l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, sous la direction précise de Marko Letonja semble avoir d’autres priorités, en particulier en matière de tempi plutôt vifs et de rectitude expressive, des objectifs qu’ils ne parvient pas à réaliser pleinement parce que le pianiste, pendant ce temps, en reste à devoir négocier le mieux possible son parcours imposé. Et puis il faut aussi prendre de multiples précautions pour ne pas couvrir un instrument soliste relativement sonore mais qui ne dispose pas non plus d’une réserve de puissance inépuisable (malgré une belle puissance de frappe, qui semble localement soucieuse d’éviter de cogner, les passages les plus amples plafonnent un peu). En définitive, malgré de multiples beautés, l’impression est frustrante, surtout en comparaison du parcours princier accompli dans ce concerto par Philippe Bianconi, avec le même orchestre, il y a trois ans.


Au registre des comparaisons, le même bis que celui de Denis Kozhukin il y a quelques mois : le Prélude en si mineur de Bach-Siloti, encore plus souplement fluide et finement phrasé par Cédric Tiberghien, pianiste de grande valeur dont on persiste à penser qu’ici, il n’a pas opté pour la voie la plus favorable en choisissant ce type de concerto.


Après l’entracte, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg est disponible seul pour une Quatrième Symphonie de Tchaïkovsky où Marko Letonja peut vraiment donner toute sa mesure. Hormis quelques fâcheux errements des cors, l’intendance suit, à un niveau que pourraient envier nombre de phalanges plus cotées internationalement : le "triangle" Sébastien Giot au hautbois, Sébastien Koebel à la clarinette et Jean-Christophe Dassonville au basson illumine littéralement la petit harmonie, la rangée de cuivres, trompette et trombones, est d’une efficacité sidérante dans les fanfares du premier mouvement, et le quatuor semble avoir gagné nettement en chaleur et en homogénéité, y compris dans le célèbre Scherzo, dont les pizzicati sont superbement charnus et nuancés. Un magnifique instrument pour un Tchaïkovsky dense, très resserré, sans épanchements inutiles, que Letonja conduit avec un engagement personnel manifestement intense. Avec un peu plus de travail de fond, en particulier sur les équilibres dynamiques et les phrasés à l’intérieur même d’une polyphonie déjà très tendue, on obtiendrait là un travail tout à fait mûr pour l’enregistrement, voire une jolie carrière discographique.


Standing ovation finale... pour la violoniste Evelyne Alliaume, départ en retraite après 42 années passées au sein de l’orchestre, souvent au poste stratégique de premier violon. Congratulations encadrées par deux bis, toujours de Tchaïkovsky : la Marche et la Danse russe de Casse-Noisette.


Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com