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L’espace du procès

Paris
Opéra Bastille
03/07/2001 -  et 10, 12, 20, 23, 27 mars 2001
Philippe Manoury : K…
Andreas Scheibner (K…), Susan Anthony (Leni / Die Frau des Gerichtsdieners), Eva Jenis (Fräulein Bürstner), Nora Gubisch (Die Frau), Nicolas Cavallier (Der stellvertretende Direktor Der Advokat), Gregory Reinhart (Der Untersuchungsrichter Der Gefängniskaplan), Kenneth Riegel (Titorelli), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Block Der Gerichtsdiener), Wilfried Gahmilch (Franz), Robert Wörle (Der Onkel), Ian Thompson (Willem Der Mann), Youri Kissin (Der Aufseher Der Prügler), Nigel Smith (Der Auskunftgeber)
Orchestre de l’Opéra National de Paris, Dennis Russell Davies (direction)
Ircam (musique électronique)
André Engel (mise en scène)


Tiré du Procès de Franz Kafka, l’opéra de Philippe Manoury donné en création mondiale, K…, aura tenu plus que ses promesses face à cette imposante référence. Par son utilisation virtuose et appropriée de l’électronique, Manoury donne ses lettres de noblesse à l’utilisation de procédés technologiques appliqués à un genre si codifié et si sensible qu’est l’opéra. L’amplification des voix lors d’une scène (la cathédrale), de par son utilité dramaturgique, ne prête le flanc à aucune critique. Il n’y a pas de volonté « idéologique » dans l’usage de l’électronique par le compositeur, mais plutôt le plaisir d’un artisan qui utilise un nouvel outil. La palette sonore se trouve démultipliée, les sons artificiels apparaissent parfois clairement et distinctement de l’orchestre (certains sont très concrets : bruits de foule, machine à écrire, cloches) ou, à d’autres moments, le prolongent, l’amplifient sans que l’on puisse identifier la limite entre les univers acoustiques et électroniques. Lors d’une rencontre avec le public, Philippe Manoury précisaient les options de son travail : « la profondeur de champ sonore de la spatialisation » rompt la frontalité habituelle de l’orchestre qui, avec les hauts parleurs, se retrouve derrière ou juste à côté du spectateur. Ainsi « la spatialisation a une fonction musicale mais aussi dramatique », elle déstabilise et désoriente l’écoute, mais elle l’enrichit également et ne refuse pas le grandiose, comme dans la scène finale.


Quant au résultat musical global, on ne manquera pas de noter une nette amélioration par rapport à 60e Parallèle créé au Théâtre du Châtelet en 1997. La partition fait preuve d’une grande richesse, elle est « malhérienne » par la profusion d’événements et de couleurs qu’elle déploie, évoque par moment Berg, mais aussi Bernard Hermann (fin de la cinquième scène) et imprime une tension palpable du début à la fin. Par sa capacité à créer une atmosphère bien déterminée agrémentée de figures très mobiles et colorées, elle correspond surtout aux dernières œuvres du compositeur (on pense notamment à Fragments pour un portrait (1998), une pièce sans électronique). Les changements de décors sont également l’occasion de passages très réussis comme un solo de trompette lors de la transition entre les scènes 3 et 4 par exemple. Le découpage en douze scènes pour une durée totale sans entracte de une heure quarante donne un rythme rapide à l’ensemble et ne ménage aucun temps mort.


Partant du principe que « la compréhension du texte est irremplaçable dans l'opéra », l’écriture vocale faire la part belle au récitatif et ménage quelques courts « airs » ou moments plus éthérés. Le livret préserve parfaitement l’atmosphère du roman. La très belle distribution, dominée par l’excellent rôle titre (Andreas Scheibner) peut montrer toute l’étendue de son talent. Le remarquable travail du chef Dennis Russell Davies compte également pour beaucoup dans la réussite de cette production.


Dans de très beaux décors début de siècle de Nicky Rieti évoquant l’époque de l’écriture du roman par Franz Kafka, André Engel fait évoluer Joseph K. dans un univers qui, progressivement, le désigne comme coupable et ne lui laisse plus aucun échappatoire. Un travail soigné et intelligent pour celui qui avait déjà signé une Lady Macbeth de Chostakovitch d’anthologie dans ces murs.


Le très bon accueil du public démontre qu’une création de qualité donnée dans des conditions de réalisation optimales trouve son public. Donné jusqu’au 27 mars (il reste des places et les prix sont modérés), K… est la création à ne pas manquer cette saison !




Philippe Herlin

 

 

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