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Fibich réhabilité à Prague

Prague
Théâtre national
10/09/2014 -  et 10, 12, 20 octobre 2014, 28 janvier, 9, 18* avril 2015
Zdeněk Fibich : Pád Arkuna, opus 55 et 60, H. 325 et 326
Dana Buresová/Maria Kobielska* (Helga), Ondrej Mráz/David Szendiuch* (Dargun), Martin Bárta*/Roman Janál (Absalon), Alzběta Polácková/Pavla Vykopalová* (Margit), Szilvia Rálik/Eva Urbanová* (Radana), Ales Briscein/Martin Srejma* (Jaroměr), Valentin Prolat*/Tim Ribic (Rutan), Jirí Sulzenko*/Jevhen Sokalo (Gunar), David Nykl*/Frantisek Zahradnícek (Dolen), Balet Opery Národního divadla
Sbor Národniho divadla, Ceský národní sbor, Pavel Vaněk (chef de chœur), Orchestr Národního divadla, John Fiore (direction)
Jirí Herman (mise en scène), Pavel Svoboda (décors), Alexandra Grusková (costumes), Daniel Tesar (lumières), Jan Kodet (chorégraphie), Ondrej Hucín (dramaturgie), Studio Lunchmeat (vidéo)


(© Hana Smejkalová)


C’est peu dire que l’on connaît peu la vie et l’œuvre de Zdeněk Fibich (1850-1900), de neuf ans le cadet de Dvorák. Emporté subitement par une banale pneumonie, le compositeur tchèque est décédé quelques jours avant la création de ce qui devait finalement constituer son ultime opéra, La Chute d’Arkona. C’est précisément cette œuvre que l’Opéra national de Prague a décidé de remonter pour la saison 2014-2015, après plus de quatre-vingts ans d’absence sur les planches, y compris en République tchèque. Il est vrai que, parmi ses douze ouvrages lyriques, seuls La Fiancée de Messine et Sárka font encore leur apparition au répertoire des maisons d’opéra les plus audacieuses. D’abord influencée par Smetana, la musique de Fibich est surtout redevable à Wagner par l’emploi d’une déclamation dramatique soutenue par un orchestre opulent et très cuivré, même si son dernier opéra laisse entrevoir une savoureuse vivacité rythmique des bois, dans la lignée de Richard Strauss.


On perçoit aussi une influence du vérisme dans les différents choix effectués lors de l’élaboration du livret, dû à sa muse et amante Anezka Schulzová – suite à une commande de l’Opéra national de Prague. Loin de se limiter au sujet historique célébrant la christianisation du peuple slave de l’île de Rügen (au nord-est de l’Allemagne actuelle), le livret ajoute un prologue «domestique» afin d’apporter des motivations psychologiques à l’intransigeance des deux personnages principaux, le Grand Prêtre païen Dargun et son opposant chrétien Absalon – tous deux amoureux de la même femme, Helga. Les trois actes se déroulent vingt ans après les événements relatés lors du prologue, déroulant une trame confuse autour de ce contexte religieux, tandis qu’un nouveau triangle amoureux dévastateur sert d’intrigue secondaire entre le couple formé par Jaroměr et Margrit, jalousé par Radana.


La mise en scène de Jirí Herman choisit de simplifier cette histoire difficile à suivre en réduisant l’impact religieux et guerrier par une transposition au milieu du XXe siècle, en une bourgade côtière où le contexte marin et social apparaît omniprésent. On trouve là un écho à la vive admiration de Fibich pour Ibsen, qui caressa un temps l’idée d’adapter La Dame de la mer avant de renoncer au projet. En référence au symbolisme, Herman choisit de faire apparaître Helga comme un fil conducteur nécessaire entre le prologue et l’opéra, son errance fantomatique irriguant toute la seconde partie de sa présence, désormais muette du fait de sa mort prématurée. Herman s’appuie sur un dispositif scénique d’une remarquable beauté, toujours très stylisé, aux éclairages variés. Le plateau tournant permet ainsi d’offrir de multiples et inattendues perspectives au décor unique, figurant alternativement un quai, un bateau ou un champ de bataille, tandis que d’imposantes parois de tôle représentent des caissons de chargement maritime – éloquents symboles de la puissance économique ennemie. Même s’il en fait parfois un peu trop dans le déploiement des figurants, Herman démontre une maîtrise formelle superbe, fort justement applaudie à l’issue de la représentation.


Autre figure acclamée en fin d’opéra, le chef d’orchestre américain John Fiore adopte un tempo mesuré, admirablement narratif, en opposant les groupes d’instruments qui semblent se répondre comme des personnages à part entière de l’histoire. Sur scène, outre de superlatifs chœurs, c’est l’incandescente Eva Urbanová (Radana) qui sidère par la force de caractère de son jeu. Son magnifique timbre corsé est un régal de chaque instant. A ses côtés, Pavla Vykopalová campe une charmante et délicieuse Margit, tandis que Maria Kobielska (Helga) séduit par une ligne de chant parfaitement maîtrisée. Les rôles masculins sont dominés par la vaillance du Jaroměr de Martin Srejma et l’impeccable Dargun de David Szendiuch, très en voix. Seul Martin Bárta (Absalon) déçoit, avec un chant trop appliqué et peu puissant. On touche sans doute là l’une des grandes difficultés de cette œuvre, qui nécessite des voix capables d’affronter un orchestre omniprésent et opulent.



Florent Coudeyrat

 

 

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