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Pluie d’étoiles sous le ciel monégasque

Monaco
Monte-Carlo (Opéra)
03/20/2015 -  et 22, 25, 27, 29* mars 2015
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527
Erwin Schrott (Don Giovanni), Adrian Sâmpetrean (Leporello), Patrizia Ciofi (Donna Anna), Sonya Yoncheva (Donna Elvira), Maxim Mironov (Don Ottavio), Fernando Javier Radó (Masetto), Loriana Castellano (Zerlina), Giacomo Prestia (Le Commandeur)
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Paolo Arrivabeni (direction musicale), Stefano Visconti (chef de chœur)
Jean-Louis Grinda (mise en scène), Rudy Sabounghi (décors et costumes), Laurent Castaingt (lumières)


E. Schrott (© Alain Hanel/OMC)


L’Opéra de Monte-Carlo a vraiment mis les petits plats dans les grands en affichant une distribution de stars pour ce Don Giovanni de la saison 2015. Rien moins qu’Erwin Schrott, Sonya Yoncheva et Patrizia Ciofi dans trois des rôles principaux!


C’est peu dire que la voix magnifique d’Erwin Schrott a dominé le plateau en imposant un Don Giovanni gargantuesque. S’il est un véritable baryton-basse au niveau de la tessiture, son timbre évoque, en revanche, celui d’une basse chantante qui lui permet aussi de faire du Procida des Vêpres siciliennes de Verdi son «cheval de bataille». Et il est vrai qu’on est stupéfait devant une telle projection vocale, des couleurs aussi variées et une présence scénique à ce point charismatique. A peine pourra-t-on regretter quelques libertés rythmiques qui engendrent d’occasionnels décalages avec l’orchestre et une conception très «premier degré» qui ne s’encombre pas d’arrière-plans métaphysiques. Face à cette bête de scène, le Leporello d’Adrian Sâmpetrean a d’autant plus de mal à exister que sa tessiture, tributaire du rôle que Mozart lui a accordé dans les ensembles, est plus grave que celle de son maître. Or, c’est justement dans ce registre que se situe le talon d’Achille du chanteur roumain, dont la signature vocale reste trop anonyme.


Chez les dames, Sonya Yoncheva déploie un dramatisme efficace mais jamais outré, magnifiquement servi par une voix pleine et charnue dont le médium s’est nettement étoffé en raison d’une grossesse récente. Evolution vocale qui l’a sans doute conduit à privilégier le rôle de Donna Elvira sur celui d’Anna en raison de son centre de gravité plus bas. Donna Anna, justement, était défendue par Patrizia Ciofi, malheureusement annoncée souffrante en raison d’une trachéite. Et force est d’admettre, que, dans ce contexte bien particulier, les pianissimi sublimes d’un «Non mi dir» quasi bellinien lui convinrent bien mieux que les élans passionnés de son air du premier acte, qui manqua de puissance.


Le reste de la distribution fut judicieusement complété par le Masetto plein d’humour et bien chantant de Fernando Javier Radó, la Zerlina au timbre fruité de Loriana Castellano, le Commandeur à la voix caverneuse de Giacomo Prestia et, surtout, le Don Ottavio à l’émission haute de Maxim Mironov qui nous a gratifié d’une superbe reprise en voix mixte du fameux «Dalla sua pace».


Quel dommage, au regard de cette distribution de haut vol, que la direction d’orchestre de Paolo Arrivabeni ait été aussi fade, faisant fi des acquis des «baroqueux» – attaques tranchantes, contrastes accentués, tempi rapides, allégement de la masse orchestrale – dont la plupart des grands chefs de théâtre (de Pappano à Rattle) ont su s’inspirer sur instruments modernes.


Fort heureusement, la mise en scène de Jean-Louis Grinda et les éclairages crépusculaires de Laurent Castaingt compensèrent partiellement cette lacune en imposant des images marquantes et fidèles au livret comme ce catalogue, symbole des infidélités de Don Giovanni, enserrant le corps de Donna Anna au point de quasiment l’étouffer. Sans oublier l’opposition habile entre la raideur physique des femmes et la mobilité constante du tandem Don Giovanni/Leporello. Peut-être pour mieux suggérer le gouffre qui sépare la droiture morale des héroïnes et le libertinage de leurs séducteurs.


Ce souci d’authenticité est renforcé par de majestueux décors dévoilant une vaste place encadrée de palais andalous sur laquelle trônait, selon les scènes, la statue du Commandeur ou un immense candélabre à la lumière vacillante. Dans cette ambiance mystérieuse déployant toute une gamme de bleu nuit, les costumes aux couleurs chatoyantes de Rudy Sabounghi semblaient tout droit sortis d’une toile du premier Goya. Naturellement, dans cette optique, pas de costume-cravate ou de tailleur Chanel imposés par un certain Regietheater mais des robes à paniers ou des visages auréolés de mantilles pour les dames et des vestes longues surmontant des culottes serrées juste au-dessus des genoux pour les hommes. Faut-il le regretter? Probablement pas.


Finalement, dans le match à distance qui opposa, à deux mois d’intervalle, les opéras de Paris et de Monte-Carlo autour de reprises de Don Giovanni, le résultat fut sans équivoque: 1-0 en faveur de Monaco!



Eric Forveille

 

 

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