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Promenons-nous au Pré aux clercs Paris Opéra-Comique 03/23/2015 - et 25, 27, 29*, 31 mars, 2 avril 2015 Ferdinand Hérold : Le Pré aux clercs Marie Lenormand (Marguerite de Valois), Marie-Eve Munger (Isabelle de Montal), Jaël Azzaretti (Nicette), Michael Spyres (Baron de Mergy), Emiliano Gonzalez Toro (Marquis de Comminge), Eric Huchet (Cantarelli), Christian Helmer (Girot), Olivier Déjean (Le brigadier), Grégoire Fohet-Duminil (L’exempt du guet), Thomas Roullon, Jean-Christophe Jacques (Les archets), Anna Konopska, Camille Brulais, Anna Beghelli, Paul Canestraro, Andrea Condorelli, Clement Ledisquay (danseurs)
accentus, Christophe Grapperon (chef de chœur), Paul McCreesh (direction musicale)
Eric Ruf (mise en scène et décors), Renato Bianchi (costumes), Stéphanie Daniel (lumières), Glyslein Lefever (chorégraphie)
(© Pierre Grosbois)
Le Pré aux clercs, c’est Les Huguenots version légère – on a, d’ailleurs, dans les deux cas, puisé dans la Chronique du règne de Charles IX de Mérimée. Dix ans après la Saint-Barthélemy, deux protestants peuvent s’aimer, protégés par la célèbre reine Margot, à la barbe d’un rival catholique prompt à tirer l’épée. Miné par la tuberculose qui l’emportera moins de deux mois après la création le 15 décembre 1832, Hérold savait-il qu’il avait composé un des futurs « tubes » de l’opéra comique français ? On préfère pourtant Zampa, donné à Favart il y a sept ans, à cette musique charmante et parfaitement ficelée, où passe le fantôme de Rossini – rien d’étonnant quand on a travaillé à Naples et officié comme pianiste aux Italiens...
Une fois de plus, l’Opéra-Comique renoue avec son passé et ressuscite une œuvre qu’il mit à l’affiche, pour plus de 1600 représentations, jusqu’en... 1949. Eric Ruf ne cherche pas de concept, mais se situe au plus près du texte, assumant sans complexe le premier degré le plus littéral, dans un décor réaliste planté d’arbres. On n’oubliera donc pas que le Pré aux clercs était ce lieu de promenade et de rencontres parisien, où l’on dégainait souvent pour les duels. Production naïve, avec un côté de cape et d’épée, nimbée d’un délicat parfum de nostalgie pour un genre et une époque, qui séduit surtout par le naturel des dialogues – on pouvait ici faire confiance au nouveau directeur du Français.
Si Michael Spyres n’en garde pas moins un accent très exotique, son Mergy s’est parfaitement approprié les canons du style français, avec une articulation exemplaire et une voix mixte parfaite, aidé par le Cantarelli idéal d’Eric Huchet, intrigant italien drôle mais jamais outré. Hier Mignon in loco, Marie Lenormand fait aujourd’hui une belle composition en reine Margot, à la ligne déliée et tenue, qui protège la délicieuse Isabelle de Marie-Eve Munger, timbre frais, tessiture homogène, phrasé galbé. On ne chante pas moins bien à l’auberge : Jaël Azzaretti n’a rien à lui envier pour la fraîcheur et l’agilité, Christian Helmer prête à Girot une voix de fort beau baryton.
Son Requiem de Berlioz, son Elias de Mendelssohn nous l’avaient appris ou confirmé : Paul McCreesh n’est pas un « baroqueux » exclusif. Et il a ici capté l’esprit du genre : direction souple et aérée, contrôlée dans ses élans, aux couleurs subtiles mais pas fanées, jamais bruyante surtout – il réussit là où William Christie, dans Zampa, avait échoué.
Didier van Moere
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