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Puccini porté par l’excellence musicale Tours Grand Théâtre 03/13/2015 - et 15, 17 mars* 2015 Giacomo Puccini : Il trittico Il tabarro
Giuseppina Piunti (Giorgetta), Cécile Galois (La Frugola), Tassis Christoyannis (Michele), Florian Laconi (Luigi), Antoine Normand (Il Tinca), Franck Leguérinel (Il Talpa), Michaël Chapeau (Le vendeur de chansons), Julie Girerd, Emmanuel Zanaroli (Le couple d’amoureux), Aurélie Fargues (voix de sopranino), Sylvain Bocquet (voix de ténorino)
Suor Angelica
Vannina Santoni (Suor Angelica), Cécile Galois (Zia Principessa), Delphine Haidan (La Badessa), Béatrice Dupuy (La suora zelatrice), Aurélie Fargues (Suor Genovieffa), Chloé Chaume (Suor Osmina), Véronique Laumonier (La maestra delle novizie), Marlène Guichard (Una cercatrice), Khalida Majzoub (L’altra cercatrice), Constance Couette (Una conversa), Sylvie Martinot (L’altra conversa), Julie Girerd (Una novizia), Chiara Maudière (La jeune fille), Maxime Gomard (Le jeune homme), Patrice Theillout (Le père), Marie-Agnès Richardot (La mère)
Gianni Schicchi
Tassis Christoyannis (Gianni Schicchi), Vannina Santoni (Lauretta), Cécile Galois (Zita), Florian Laconi (Rinuccio), Antoine Normand (Gherardo), Chloé Chaume (Nella), Franck Leguérinel (Marco), Delphine Haidan (La Ciesca), Nicolas Rigas (Betto), Ronan Nédélec (Simone), Jacques Lemaire (Spinelloccio), François Bazola (Notaro), Yvan Sautejeau (Pinellino), Jean-Marc Bertre (Guccio), Flavien Ferreira (Gherardino), Patrice Theillout (L’oncle Buoso)
Chœurs de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (chef de chœur), Orchestre symphonique Région Centre-Tours, Jean-Yves Ossonce (direction musicale)
Paul-Emile Fourny (mise en scène), Patrick Méeüs (décors et costumes), Giovanna Fiorentini (costumes)
Il tabarro (© François Berthon)
Créé en 1918 au Met, le Triptyque de Puccini se fait plutôt rare sur les scènes françaises, a fortiori en cycle complet, et il convient de saluer le courage de l’Opéra de Tours de relever la gageure. La coproduction avec la maison messine – et celle de Maribor, en Slovénie – a été confiée à Paul-Emile Fourny, qui a décliné la structure scénographique au fil des trois ouvrages. Dans le premier, La Houppelande, une passerelle mobile sert autant de ponton de péniche que de pont au-dessus de la Seine, évoquant efficacement la vie nomade entre terre et rivière que mènent Michele et son équipage, sur fond de Paris en noir et blanc presque d’époque. Sœur Angélique baigne dans une mélancolie bleutée au diapason d’une partition à laquelle l’émotion ne saurait résister, où la Zia Principessa, cruelle marâtre, arrive soutenue par des cannes, et disparaît de manière éminemment théâtrale comme la Mort qui viendrait de l’au-delà condamner Angelica. La mise en scène appuie encore davantage le propos dans Gianni Schicchi, portant parfois la dimension comique jusqu’à la pitrerie, pour le plus grand plaisir des zygomatiques, même si cette surcharge quelque peu redondante par rapport à une musique génialement suggestive prend parfois trop l’ascendant sur la légitimité de l’oreille.
Suor Angelica (© François Berthon)
D’autant que celle-ci se trouve flattée, et au premier lieu par une distribution vocale de belle tenue, tirant partie des parentés que les rôles peuvent entretenir d’un opus à l’autre, et où domine Tassis Christoyannis, Michele tourmenté, faisant entendre une fêlure qui entremêle humanité et cruauté, puis chantant le rôle-titre de Gianni Schicchi, truculent sans caricature, maîtrisant admirablement les registres et l’aparté dans l’inénarrable scène du testament, dans laquelle il module l’imitation et le commentaire chanté avec un instinct théâtral égal au musical. En sœur Angelica, Vannina Santoni ne sacrifie jamais la plénitude lyrique à l’expressivité, investissant le personnage avec sincérité, sans avoir besoin d’exagérer le mélodrame, et l’on retrouve la soprano française en Lauretta, touchante sans renoncer à la légèreté dans l’imploration à son père. Florian Laconi ne ménage pas l’éclat de Luigi, pas davantage que celui d’un Rinuccio non dénué d’astuce sous une apparence de simplicité. Cécile Galois incarne une Fouine pittoresque, autant que la Zita avide de Schicchi, et plus encore la Zia Principessa retorse de Suor Angelica. Frank Leguérinel satisfait autant en Talpa qu’en Marco, quand Antoine Normand, Tinca dans Il tabarro, donne la pleine mesure de sa verve comique en Gherardo. Sans prétendre à l’exhaustivité, mentionnons encore Ronan Nédelec et Jacques Lemaire, fidèles à la maison tourangelle, l’un Simone, et le second, le Spinolloccio porté sur la bouteille, sans oublier la fraîcheur rayonnante d’innocence d’Aurélie Fargues en sœur Genovieffa, nouvelle à Tours, tout comme Giuseppina Piunti, Giorgetta, et seule Italienne au cœur d’un plateau français.
Gianni Schicchi (© François Berthon)
N’oublions pas les chœurs, préparés avec soin, comme à l’accoutumée, par Emmanuel Trenque, ni bien entendu la direction de Jean-Yves Ossonce, à la tête de l’Orchestre symphonique Région Centre-Tours, qui ne pâlit point aux côtés des meilleures phalanges hexagonales, avec une lecture subtile attentive aux pupitres qui met en valeur le cisèlement d’une invention sans cesse renouvelée, des fragrances debussystes d’Il Tabarro à la fantaisie débridée de Gianni Schicchi, en passant par l’épure sentimentale de Suor Angelica. Une fois de plus, Tours sait faire mentir les querelles budgétaires.
Gilles Charlassier
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