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Andris Nelsons en route vers Berlin...

Paris
Philharmonie 1
03/10/2015 -  et 4, 5 (Amsterdam), 7 (München), 8 (Düsseldorf), 9 (Stuttgart), 13 (Dortmund) mars 2015
Jean Sibelius : Concerto pour violon en ré mineur, opus 47
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 10 en mi mineur, opus 93

Anne-Sophie Mutter (violon)
Koninklijk Concertgebouworkest, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Affluence des grands soirs en ce 10 mars pour la nouvelle venue à Paris en moins de trois semaines de l’Orchestre royal du Concertgebouw, cette fois et après Mariss Jansons, avec Andris Nelsons. Et ce ne sont rien moins que Herbert Blomstedt, Isabelle Faust, Gautier Capuçon, Jean-Guihen Queyras et Lionel Bringuier qui sont venus écouter ce fabuleux orchestre avec un chef que l’on dit bien placé pour succéder à Simon Rattle à Berlin. Au programme, deux classiques du répertoire, le Concerto pour violon de Sibelius et la Dixième Symphonie de Chostakovitch donnée, hasard du calendrier, cinq jours plus tôt par Gianandrea Noseda et l’Orchestre national de France.


Le chef letton est un habitué de ce répertoire, qu’il affectionne tout particulièrement comme son mentor, ami et compatriote Mariss Jansons. Quant à l’Orchestre royal du Concertgebouw, il le pratique lui aussi régulièrement, au moins depuis Bernard Haitink et Riccardo Chailly. Mais cette connaissance intime et au-delà des générations de ces musiques ne suffit pas à expliquer l’exceptionnelle performance donnée ce soir à la Philharmonie de Paris.


Dès le début du concerto, et malgré une intonation pour le moins imprécise d’Anne-Sophie Mutter, on comprend qu’on va vivre un fantastique concert. Ce trémolo à peine audible des cordes, ces interventions des bois dans d’incroyables pianissimi, la rondeur des cordes, le naturel des pizzicati aériens des cordes graves, la beauté élégante des cuivres: tout est simplement miraculeux. Ce miracle constamment renouvelé se poursuit pendant trente minutes, notamment grâce à un travail permanent sur les nuances, sur les ruptures, toujours naturelles, et sur le son qui est juste, beau et raffiné à la fois. La soliste, une fois les premières minutes passées, trouve ses marques, joue plus juste et participe du plaisir de l’auditeur même s’il y a bien, çà et là, quelques ralentis qui n’en finissent pas mais que Nelsons respecte avec délicatesse. Mais il y a aussi dans le médium et le grave du violon une rondeur et un grain charnu et chaud de toute beauté parfaitement en situation dans cette musique tendue et grave. Au premier balcon au moins, ce concerto confirme une nouvelle fois l’extraordinaire l’acoustique de cette salle, le violon de Mme Mutter étant magnifique de présence et ne disparaissant jamais derrière l’orchestre. Un bis de Bach, durant lequel l’instrument sonne également magistralement, montre que la Philharmonie de Paris est décidément propice à toute forme de musique. Quelle chance d’avoir enfin à Paris une telle salle!


En seconde partie, les musiciens nous offrent une Dixième Symphonie de Chostakovitch d’anthologie. Cette symphonie fut créée en 1953, soit presque dix ans après la précédente: beaucoup a déjà été écrit sur le contexte et les difficultés de sa composition, sur la création, un vrai succès public malgré les habituelles et stupides réserves de l’appareil soviétique, ainsi que sur le pessimisme dans lequel elle baigne. Mais on peut aussi proposer une interprétation plus neutre sans chercher à rapprocher tel ou tel passage de tel ou tel élément historiographique supposé. C’est le parti pris de Nelsons et de son orchestre, qui offrent une lecture déconnectée de ce contexte mais constamment passionnée, par moment violente, voire primitive, et toujours ardente. Le long et changeant Moderato initial se développe progressivement dans une vraie atmosphère, à la fois transparente pour ce qui est de la réalisation orchestrale et sévère en ce qui concerne l’ambiance. Le court Allegro qui suit, d’une violence hallucinée à la limite du supportable, est mené avec une maîtrise absolue et dans un impressionnant déchaînement qui sidère un public tétanisé, notamment par les coups de timbales répétés et presque angoissants de Nick Woud et par les impeccables et stridents accords des cuivres. Dans l’Allegretto, véritable concerto pour orchestre, chaque instrumentiste successivement sollicité démontre une musicalité hors pair, notamment le corniste français Félix Dervaux, dont l’instrument sonne presque comme une trompette, la clarinette aux nuances inouïes d’Olivier Patey et le hautbois magique et aérien d’Alexei Ogrintchouk. Ce mouvement se termine par une valse triste et morbide stupéfiante de réalisme et d’une beauté fantomatique proprement sidérante et qui semble comme s’évaporer dans le néant. Quant à l’Andante-Allegro final d’abord désolation absolue, il devient ensuite renaissance jubilatoire dans un enchaînement de couleurs, de rythme et de thèmes parmi lesquels on reconnaît, comme dans l’Allegretto, le motif «DSCH» (, mi bémol, do, si), signature musicale de l’auteur.


Exceptionnelle interprétation donc d’une œuvre fascinante et portée par des musiciens hors du commun qui, de plus, possèdent un sens, qui leur semble inné du collectif, une constante dans les très grands orchestres. Andris Nelsons à la gestique décidément peu banale, le corps penché de sa hauteur sur l’orchestre, sculpte le son, sollicite les échanges entre les lignes musicales, abandonne parfois la baguette pour la reprendre un peu plus tard mais génère constamment une tension interne et concentrique. Et la musique devient alors puissante, déchirante, angoissante, captivante, émouvante... en un mot, organique. Cet homme de trente-huit ans a vraiment tout d’un très grand chef. Ce soir, il est apparu comme l’un des plus doués de sa génération et donc comme un très plausible successeur de Rattle à Berlin.


Le site d’Andris Nelsons
Le site d’Anne-Sophie Mutter
Le site de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam



Gilles Lesur

 

 

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