Back
The Wang Effect Vienna Konzerthaus 03/07/2015 - et 25, 26 février 2015 (Zürich) Esa-Pekka Salonen: Helix
Serge Prokofiev: Concerto pour piano n° 2, opus 16
Modest Moussorgski: Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel) Yuja Wang (piano)
Tonhalle-Orchestrer Zürich, Lionel Bringuier (direction)
L. Bringuier (© Paolo Dutto)
Il ne manquait que Gustavo Dudamel! Lionel Bringuier sur le podium, Yuja Wang au piano, Esa-Pekka Salonen en compositeur: l’agence artistique Fidelio Arts parvenait quasiment à placer tous ses poulains dans une même soirée. Ce concert était l’avant-dernière étape d’une intense tournée de douze jours à travers l’Europe.
Helix du chef et compositeur Esa-Pekka Salonen ouvrait le concert dans un grand accelerando s’étalant sur neuf minutes, compensé par des valeurs des notes qui s’allongent au fur et à mesure – reproduisant en quelque sorte sur le plan rythmique l’illusion produite par la gamme infinie de Shepard. L’orchestre de la Tonhalle de Zurich déploie des sonorités chatoyantes dignes d’un Scriabine, sous la baguette infiniment précise de leur très jeune directeur musical (vingt-neuf ans).
Le Deuxième de Prokofiev est non seulement l’un des concertos les plus exigeants du répertoire pour le soliste, mais peut-être aussi le plus difficile pour la mise en place avec l’orchestre. On ne peut qu’être émerveillé de la fluidité de la lecture donnée ce soir, qui capitalise le travail de symbiose réalisé durant cette série de huit concerts. La pianiste entame sa partie sans effort visible, se fondant tour à tour dans le tissu orchestral puis s’en différenciant par de subtils jeux d’accents. Espiègle sans être inutilement démonstrative, à la recherche d’une aveuglante clarté sans jamais sacrifier la complexité de la partition, Yuja Wang semble catalyser la performance de l’orchestre. Lionel Bringuier y puise des timbres subtils et raffinés, navigant avec maîtrise à travers les changements de tempo.
La pianiste revient sur scène pour deux bis, y incluant sa désormais célèbre interprétation de la Marche turque de Mozart dans la paraphrase virtuose composée par Volodos; elle nous rappelle une fois de plus son sens rythmique irréprochable (remercions papa Wang, percussionniste de profession, qui a dû y contribuer), lui permettant de délivrer des effets bien calés au fond des temps sans se laisser dépasser par les avalanche de notes.
Les Tableaux d’une exposition dans l’orchestration de Ravel (1922) constituent la seconde partie du programme; on apprécie les contrastes bien marqués et constamment inventifs du chef d’orchestre, ainsi que son travail minutieux de phrasé (les cordes dans «Samuel Goldenberg et Schmuyle»!). Mais on regrette aussi des tempi trop rapides, sans concession pour les solistes de l’orchestre, virant parfois à la précipitation et une tendance à des fortissimos trop bruyamment extériorisés.
Deux classiques du répertoire d’orchestre de jeunes étaient servis en guise de bis (la Danse slave opus 46 n° 8 de Dvorák et le Prélude de L’Arlésienne de Bizet); il ne fallait pas relâcher son attention, car sous une apparence de relaxation, le Bizet cachait en fait une véritable friandise sonore dont le niveau d’exécution se hissait au niveau du concerto de Prokofiev.
Dimitri Finker
|