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Coup de jeune sur Ravel Montpellier Opéra Comédie 02/28/2015 - et 1er mars 2015 Maurice Ravel : L’Enfant et les sortilèges Dima Bawab (Le Feu, Le Rossignol), Olivier Brunel (L’Horloge Comtoise), Solistes du Jeune Opéra: Anya Van den Bergh*/Maëva Mercat (L’Enfant), Nina Le Floch (Maman, La Bergère), Marie Sénié*/Camille Grimaud (La Princesse), Emma de la Selle*/Cassandra Aynard Leonelli (La Libellule), Lisa Barthélémy (La Chatte), Rébecca Baseilhac*/Tanina Laoues (La Chauve-souris), Léna Chevrot-Roche (La Tasse chinoise), Alizée Clavaud (Une Pastourelle), Gaspard Ferret (La Rainette, La Théière), Benjamin Guilbaud (Un Arbre, Le Fauteuil), Marilou Rolland*/Nina Le Floch (L’Ecureuil), Maëlis Monnanteuil/Clémence Montagne* (Le Pâtre), Roxanne Véga (La Chouette), Julien Petoux/Victoria Villanova (Le Canapé), Anne Ramahandriarivelo (La Chaise), Tormey Woods (le Banc), Elysa Brodu (Le petit Vieillard), Marjorie Cabrol, Fanny Legeret-Duchâtelet, Julien Milon, Noémie Nicoloso, Julien Petoux, Martin Pijulet, Victoria Villanova, Aurélie Znidarsic (Les Bêtes)
Chœur du Jeune Opéra: Lucas Aït El Massi, Zoé Bouchacourt, Yasmeen Boukhari, Matthieu Branchereau, Carla Hébrard, Eva Hind, Cécile Queudot, Vincent Recolin (chef de chœur), Chœur de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon, Noëlle Gény (chef de chœur), Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Jérôme Pillement (direction musicale)
Sandra Pocceschi (mise en scène), Giacomo Strada (décors et collaboration artistique), Cristina Nyffeler (costumes), Geoffroy Duval (lumières et vidéo)
(© Marc Ginot)
Désormais pleinement intégré à la programmation de l’Opéra national de Montpellier depuis la saison passée, Opéra junior investit, comme l’usage s’en confirme, l’Opéra Comédie, pour sa grande production annuelle. Après Chabrier en mars dernier, c’est au tour de Ravel en cette fin février de réunir plusieurs dizaines de chanteurs en herbe venus s’offrir une expérience scénique à part dans le paysage pédagogique français.
Bien que le livret de Colette dont procède le court ouvrage de Ravel décrive les mésaventures d’un garnement, et plonge le spectateur au cœur du merveilleux parfois maléfique des premiers âges de la vie, présenter L’Enfant et les sortilèges avec des solistes à peine plus grands que le héros relève en fin de compte de la gageure, tant la facilité de la pièce n’est qu’apparente – et l’on sait combien nombre de contes font une leçon digne d’intérêt pour les adultes. Sandra Pocceschi n’a cependant pas cédé à une lecture première degré. Dans une réduction de l’espace du plateau, elle a fait tenir l’espace de la chambre, qui s’élargit progressivement aux dimensions du songe – on appréciera l’équilibre des décors de Giacomo Strada, entre variété et cohérence visuelle. La transformation du sermonneur «méchant enfant» en «mais chante enfant» inscrit sur le rideau au début du spectacle résume une poésie aux allures de manifeste dans l’affleurement psychanalytique de délicieux relents oulipiens, qui se fait plus lacanienne qu’évocatrice dans les déconstructions ultérieures du nom des objets. Sans doute, la lisibilité de certains peut être discutée, à l’instar de la Théière et de la Tasse chinoise, dépourvues d’anse et de signes extérieurs d’usage, mais l’on ne saurait résister à l’Horloge pantalon sur les jambes, aussi déshabillée que sans son balancier. Soutenus par des éclairages nocturnes fort à propos, jouant au passage des ombres, à l’image de la saynète des chats, les séquences animalières amplifient remarquablement le pouvoir suggestif de la musique, non sans une certaine tendresse. Les forces chorales sont déplacées avec efficacité, quand bien même la conclusion cathartique respecte des codes établis.
Le succès d’Opéra junior se mesure à la fidélité des participants, et l’on retrouve pour le Ravel par exemple Nina Le Floch, repérée dans le Chabrier, et ici Mère d’outre-coulisses et Bergère, ou encore Marie Sénié, brillante Princesse à la partie redoutablement virtuose. Parmi la vaste galerie de personnages qui se succèdent au fil de l’ouvrage, le Petit Vieillard arithméticien d’Elysa Brodu retient l’attention par la fougue avec laquelle elle se jette dans son rôle, quand Anya Van den Bergh distille toute l’innocence ambiguë de l’Enfant. Lisa Barthélémy et Camille Poirier réservent un duo félin bien réglé. L’impact du dispositif s’avère tel que même l’un des deux solistes, Olivier Brunel, Horloge délicieusement gauchie, a découvert sa vocation grâce à Opéra junior. Quant à Dima Bawab, elle affirme son babil en Feu et Rossignol. Soulignons l’admirable travail des chœurs des jeunes amateurs, préparés par Vincent Recolin, qui n’ont nullement à pâlir à côté de leurs aînés. Enfin, Jérôme Pillement, à la tête de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, sait accompagner et soutenir le plateau sans sacrifier la partition, preuve qu’assaisonné d’enthousiasme, l’art lyrique peut, sans se trahir, être à la portée de tous.
La page d’Opéra junior sur le site de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon
Gilles Charlassier
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