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Une Espagne entre ombre et lumière Paris Maison de la radio (Auditorium) 02/26/2015 - Georges Bizet : Carmen : Suite n° 1
Gabriel Pierné : Concerto pour piano, opus 12
Claude Debussy : Images : « Ibéria »
Maurice Ravel : Rapsodie espagnole Jean-Efflam Bavouzet (piano)
Orchestre national de France, Juanjo Mena (direction)
J. Mena (© Sussie Ahlburg)
Le disque les a déjà associés, pour les Nuits de Falla et le Concerto de Pierné ; mais si l’on connaissait déjà Jean-Efflam Bavouzet, certains découvraient Juanjo Mena, aujourd’hui premier chef du BBC Philharmonic, une des meilleures baguettes espagnoles du moment. Autant de raisons d’aller les entendre avec le National à Radio France. Et de réécouter sur le vif l’Opus 12 de Pierné, composé à l’automne 1886, souvent proche de Saint-Saëns, surtout par son Scherzo ébouriffé – alors que l’Allegro initial annonce le Deuxième de Rachmaninov... Une œuvre qu’on ne situera pas au niveau de Cydalise et le Chèvre-pied, par exemple, mais animée d’un irrésistible élan, euphorique et généreuse. Le chef et le pianiste y croient, nous aussi du coup : le brio virtuose, chez Jean-Efflam Bavouzet, n’émousse jamais l’art des colorations, à travers un piano toujours timbré dans la puissance, volontiers bondissant et facétieux. Donnée en bis, l’Etude opus 13 de 1887 pourrait tourner à la pure démonstration : elle n’éblouit pas moins par l’inventivité, la richesse de la palette, la légèreté piquante.
Ne pouvant, faute d’orgue, diriger la Troisième Symphonie de Saint-Saëns, le chef a opté pour un programme espagnol, avec, en guise de mise en bouche épicée, une Première Suite de Carmen sans pompiérisme ni précipitation, impeccablement tenue, aussi soucieuse de mystère que de brillant. Autant de qualités qui feront d’Ibéria de Debussy et de la Rapsodie espagnole de Ravel de très beaux moments de musique. Le disciple de Celibidache a retenu la leçon de son maître : gestion rigoureuse des tempos, contrôle absolu de la dynamique, fluidité et densité de la pâte sonore. Son Ibéria ne craint pas d’exhaler des parfums opulents et capiteux, de prendre appui sur les basses, à rebours d’un style de direction très répandu aujourd’hui, plus porté sur la lumière crue et les sonorités atomisées : la clarté, chez lui, même celle du « Matin d’un jour de fête », émergeant de la nuit comme d’un rêve, n’aveugle jamais.
La Rapsodie espagnole de Ravel, quitte à bousculer un peu la chronologie, s’enchaîne naturellement à Ibéria : langueur hypnotique du « Prélude à la nuit », rythme chaloupé de la « Malaguena », sensualité grisante de la « Habanera », ivresse dionysiaque mais toujours maîtrisée de la « Feria », ce sont toutes les ombres et les lumières de l’Espagne que Juanjo Mena nous donne à entendre, à la tête d’un National des meilleurs jours, notamment par l’homogénéité des cordes, conquis et complice.
Le site de Juanjo Mena
Le site de Jean-Efflam Bavouzet
Didier van Moere
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