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Puccini au-delà des sillons lyriques

Reims
Opéra
01/14/2015 -  et 14 (Quimper), 18, 19, 21, 22, 23, 25, 26 (Paris) novembre 2014, 7, 8, 9 (Zagreb), 15 (Reims), 19, 20, 21 (Arras), 20, 30 (Tarbes) janvier, 3, 4 (Compiègne), 8 (Meaux), 13, 14 (Aix-en-Provence) février 2015
Frédéric Verrières : Mimi, scènes de la vie de bohème
Pauline Courtin (Musette), Judith Fa (Mimi 2), Christophe Gay (Marcel), Christian Helmer (Rodolphe), Camélia Jordana (Mimi 1), Caroline Rose (La comtesse Geschwitz)
Guillaume Vincent (mise en scène), James Brandily (scénographie), Fanny Brouste (costumes), Daniel Larrieu (conseil gestuel), Robin Meier (réalisation informatique Ircam), Sébastien Michaud (lumières)
Ensemble Court-Circuit, Jean Deroyer (direction musicale)


La Bohème de Puccini fait partie des piliers incontournables de l’opéra: après le succès de The Second Woman, Frédéric Verrières a voulu en tirer une relecture contemporaine, autant musicalement que théâtralement, quand bien même la mise en scène de Guillaume Vincent se défend de toute transposition actuelle. Devant un marécage de matelas passablement usagés pour tout appartement, Christophe Gay donne des indications informelles sur le spectacle, tandis que l’on s’agite un peu bruyamment à l’arrière: d’emblée le ton est donné, celui d’un brouillage des frontières entre scène et salle, entre l’in et l’off théâtral. Le propos dramaturgique subit une adaptation significative, avec le dédoublement de Mimi entre un avatar authentiquement chanté par Judith Fa, réplique d’une incarnation scénique confiée à Camélia Jordana, révélée au public par un télé-crochet de variétés. De la galerie estudiantine ne demeurent que Rodolphe et Marcel, quand les frasques de Musette explorent jusqu’au saphisme avec une comtesse Geschwitz exclusivement germanophone, jusque dans ses conversations téléphoniques. Si la réalité contemporaine n’est nullement éludée, la mort de Mimi, seule et abandonnée, isolée dans une conclusion d’une émotion à la mesure de son dépouillement, confirme les ultimes didascalies de Marcel, comme un album d’images d’une jeunesse révolue et que dont le récit a ressuscité le souvenir avec un humour souvent explosif.


Secondée par la technique de l’Ircam, la partition s’ouvre sur des anamorphoses de thèmes et d’airs célèbres – à l’instar du «Vissi d’arte» pour Tosca – aperçus d’héroïnes revisitées comme ébauches de Mimi, qui se contente un peu de l’effet tourne-disques au ralenti, registre sans doute plus aisément exploitable par des voix hors du sérail lyrique. Frédéric Verrières ne se contente pas des habituels palimpsestes savants, et convoque également le répertoire populaire – guitares, déhanchés et saturations acoustiques. Au demeurant la distribution, rapidement évoquée plus haut, ne laisse planer aucun doute sur les passerelles lancées entre deux territoires souvent maintenus hermétiques l’un à l’autre. Le procédé n’évite pas certaines facilités, mais ne se montre pas sans intérêt – et déborde d’énergie. Rebattant les cartes et les stéréotypes, Mimi explore des ressources et des prolongements de l’original, parfois inventifs, parfois plus attendus – on a d’ailleurs droit à un rapide cours de musicologie dramatique sur l’essence du drame puccinien par Marcel, qui peut rappeler vaguement des analyses d’un Alessandro Baricco.


Les solistes démontrent une complicité et un engagement immédiatement, sinon intensément, perceptibles. La fraîcheur exubérante de Pauline Courtant en Musette se distingue de celle, touchante, de la Mimi de Judith Fa, qui contraste avec la raucité et les effets çà et là redondants d’une Carmélia Jordana très adolescente. Christian Helmer fait quelques démonstrations de ténor en Rodolphe, tandis que Christophe Gay, Marcel fil narratif, s’inscrit dans une approche essentiellement théâtrale, où s’inscrit entièrement la comtesse Geschwitz de Caroline Rose. Coordinateur de l’équipe à la tête de son ensemble Court-Circuit, Jean Deroyer manifeste sans ambiguïté sa confiance dans un objet musical profus, scellé au fer de la jeunesse, assumant les forces et les faiblesses de cet âge de la vie.



Gilles Charlassier

 

 

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