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Une Femme simplement théâtrale

Paris
Théâtre du Châtelet
02/24/2001 -  27 février, 2, 5, 8 et 11 mars
Richard Strauss : La Femme silencieuse
Natalie Dessay (Aminta), Jill Grove (La Gouvernante), Ofelia Sala (Isotta), Gabriele Sima (Carlotta), Sten Byriel (Morosus), Dietrich Henschel (Le Barbier), Juan José Lopera (Henry), Matthias Henneberg (Morbio), Marek Gasztecki (Vanuzzi), André Eckert (Farfallo)
Marco Arturo Marelli (mise en scène et décors), Dagmar Niefind-Marelli (costumes)
Philharmonia Orchestra, Christoph von Dohnanyi (direction)

Rarement jouée en France, La Femme Silencieuse représente la plus franche tentative de Richard Strauss du côté de l’opera-buffa, comparable en cela à cet autre chef d’œuvre trop rare, Les Fiançailles au Couvent de Prokofiev, sa composition s’inscrivant également dans un contexte fort sombre. Elle fut en effet créée à Dresde en 1935, sur fond de mise au pas par les nazis de la vie culturelle allemande et de polémique autour du librettiste, Stefan Zweig, dont Strauss refusa obstinément de voir disparaître le nom de l’affiche, entraînant l’interdiction de l’ouvrage au bout de quelques représentations. Aujourd’hui encore, le contraste entre la gaîté frénétique du texte et de la musique et ce cadre historique sinistre attise l’imagination, d’autant que le personnage principal, un vieil homme qui s’enferme dans sa tour d’ivoire et redoute le bruit du dehors, évoque irrésistiblement le compositeur lui-même. On peut savoir gré à Marco Arturo Marelli de nous avoir préservé d’une transposition lourde et convenue avec croix gammées et bottes de cuir, et de s’en être tenu à l’œuvre seule ; on peut regretter plus encore qu’il n’ait pas trouvé moyen, au moins de façon allusive, de faire passer un peu de ce frisson derrière ce rire. Tout est ici couleur, lumière et vivacité ; production d’un parfait bon goût au demeurant, avec un art consommé de la construction spatiale (oppositions groupe – individu), une direction d’acteurs soignée, de beaux costumes et de splendides éclairages, seul le décor un peu monolithique suscitant quelques réserves. Les chanteurs semblent animés d’un véritable esprit d’équipe et offrent des caractérisations attachantes, sur le plan scénique tout au moins. Car si les seconds rôles sont généralement excellents (impayable Gabriele Sima en particulier), si le Barbier de Dietrich Henschel domine la soirée autant par son abattage que sa musicalité de liedersanger, les choses se gâtent avec le Henry vocalement fade de Juan José Lopera (il est vrai qu’à son habitude, Strauss n’a pas ménagé la tessiture du ténor) et surtout avec le Morosus professionnel mais sans relief de Sten Byriel qui sonne vraiment comme un second choix – où est donc Hawlatta ? Peut-être en méforme passagère, Natalie Dessay, toujours exquise comédienne, peine ce soir à s’imposer dans un rôle dont l’écriture ne l’avantage de toute façon guère : trop lyrique, requérant une ampleur du médium, une longueur du souffle auxquelles elle aspire mais qu’elle ne possède pas. On peine du coup à retrouver derrière cette ombre charmante la génialissime Eurydice d’Offenbach, la Lakmé bouleversante, ou la Lulu qu’on lui rêve. La plus cruelle déception vient cependant de l’orchestre, terriblement brouillon, avec une harmonie souvent fausse et des cordes dont l’articulation imprécise frise la catastrophe dans le redoutable fugato. Dohnanyi s’avérant aussi peu spirituel dans sa direction qu’incapable d’obtenir une balance éloquente entre les pupitres, on achève la soirée l’œil contenté sinon troublé, et l’oreille toujours en attente.


Vincent Agrech

 

 

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