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Il était une fois à l’Est Paris Philharmonie 1 01/15/2015 - Alexandre Borodine : Le Prince Igor: Danses polovtsiennes
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour piano n° 1, opus 23
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14 Lang Lang (piano)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
(© AFP/Charles Platiau)
La Philharmonie de Paris, située à la périphérie est de la capitale, a été inaugurée les 14 et 15 janvier avec deux concerts de gala, le premier en présence du Président de la République et d’un parterre de politiques. C’est une Philharmonie en chantier qui accueille sa première (demi-)saison, ceci expliquant l’absence remarquée de son architecte Jean Nouvel, qui avait fait savoir dans une cinglante tribune parue dans Le Monde le jour même de l’ouverture qu’il la jugeait «prématurée» et évoquait le «mépris» dont il aurait été l’objet pendant la conduite du chantier, qui a accumulé les retards depuis son lancement en 2006. Autre absent, le plus ardent défenseur du projet, le chef d’orchestre et compositeur Pierre Boulez, qui, à bientôt 90 ans, est souffrant depuis quelques mois.
On ne reviendra pas sur la difficulté d’accès de ce site pour des spectateurs du centre de la capitale. Mais une fois parvenu sur place, l’accessibilité reste assez sportive, avec un long trajet depuis l’entrée du Parc, environ 200 mètres à découvert sur un sol irrégulièrement pavé, puis de nombreux escaliers, escalators, pour monter à la salle et redescendre à sa place. Avec les portiques de sécurité à passer, il faut compter environ un quart d’heure entre l’arrivée à la porte de Pantin et son fauteuil. Mais cela en vaut la peine, car la salle de 2400 places est très belle avec ses balcons circulaires, ses chaudes tonalités, une assise confortable et une réelle impression de proximité à l’orchestre. Si l’on compare à l’Auditorium de la Maison de la radio inauguré il y a deux mois, l’impression est moins intime, la salle étant plus imposante sans le paraître vraiment, mais la scène plus centrale de Radio France reste une plus belle réussite. Les dégagements sont encore impersonnels mais il est trop tôt pour juger, l’ensemble du bâtiment étant encore en chantier.
Si le programme du premier concert était composite, avec un mélange d’œuvres du répertoire et de musique contemporaine, y compris la création mondiale du Concerto pour orchestre de Thierry Escaich, celui du second était traditionnel, le type même de ce que l’on pouvait entendre le plus couramment dans les concerts symphoniques au siècle dernier, avec trois œuvres tout à fait idéales pour faire valoir une jeune acoustique encore perfectible mais déjà prometteuse. Les musiciens devront apprendre à se servir de cet instrument de haute précision qui comprend pas moins de dix-sept configurations acoustiques différentes. Tant les Danses polovtsiennes de Borodine que la Symphonie fantastique de Berlioz étaient propres à faire briller l’Orchestre de Paris, désormais phalange en résidence dans ce bâtiment, aussi bien dans ses individualités que dans sa sonorité de groupe. Belle réverbération et qualité des cordes, très chaudes et moelleuses, dans les grandes envolées romantiques de la Fantastique, de même que celle des bois, qui sont la grande spécialité de cet orchestre, dans les deux œuvres. On éprouve surtout une très agréable sensation d’enveloppement par la musique, qui tranche beaucoup avec ce que l’on vivait à la salle Pleyel, dont l’acoustique était plus froide et monolithique.
On n’a été séduit ni par l’interprétation du Premier Concerto pour piano de Tchaïkovski, ni par le curieux choix d’un pianiste chinois pour cette inauguration. Star internationale certes mais au goût musical très contestable, Lang Lang a fait une fois de plus preuve d’un penchant immodéré pour la pose et la recherche d’effets, avec une indéniable virtuosité mais une sonorité toujours dure et outrée. L’accueil du public a été plus qu’enthousiaste avec des applaudissements nourris dès la fin du premier mouvement et un bis, une des Etudes symphoniques de Schumann, distordue à l’extrême et exposant cruellement l’absence de timbre, vite interrompue par une autre mélodie, la sonnerie de téléphone d’une spectatrice obligée de quitter la salle sous les regards réprobateurs! Ce que l’on a entendu là étant trop caricatural, il faudra donc attendre une autre occasion pour juger de l’effet du roi des instruments dans cette salle.
Les semaines et mois qui viennent affichent une riche programmation avec la suite de la saison de l’Orchestre de Paris, de nombreux concerts symphoniques, de musiques du monde, de jazz ou ciblés sur le jeune public ainsi que la venue de la grande exposition consacrée à David Bowie dans les espaces d’exposition.
L’intégralité du concert sur le site ArteConcert:
Olivier Brunel
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