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Orphée sur les rives de la Garonne Bordeaux Auditorium (Salle Henri Dutilleux) 01/09/2015 - Louis-Nicolas Clérambault : Orphée
Marc-Antoine Charpentier : La Descente d’Orphée aux Enfers, H. 488 Sophie Pattey (soprano), Cyril Auvity (Orphée), Dagmar Saskova (Eurydice), Juliette De Massy (Daphné), Caroline Arnaud (Enone), Sophie Pattey (Aréthuse, Proserpine), Erwin Aros (Ixion), Olivier Rault (Tantale), Renaud Bres (Apollon, Titye), Philippe Roche (Pluton)
Ensemble Sagittarius: Léonor De Recondo, Marie Rouquié (violons), Anibal Sierra, Sandra Latour (flûtes allemandes), Ronald Martin Alonso, Robin Pharo (violes), Ronaldo Lopes (théorbe), Ronan Khalil (clavecin et orgue), Michel Laplénie (direction)
M. Laplénie (© Gaëlle Hamalian-Testud)
Difficile de se rendre à un concert le cœur léger et l’esprit apaisé en ce vendredi 9 janvier 2015 compte tenu des événements tragiques qui, depuis l’attentat commis deux jours plus tôt contre Charlie Hebdo, ont frappé la capitale. Néanmoins, comme le disent les Anglo-Saxons, «The show must go on» et continuer à faire vivre toutes les formes de culture fait certainement partie des meilleures réponses à apporter à ceux qui, par lâcheté, ignorance, intolérance ou bêtise, voudraient s’attaquer à la liberté d’opinion et à la liberté d’expression.
En dépit d’un programme d’un abord assez difficile, la splendide salle Dutilleux de l’Auditorium de Bordeaux, situé à quelques encablures de la place Gambetta, est bien remplie pour assister à ce programme de musique baroque française tout entier dédié au mythe d’Orphée. La première œuvre était la cantate Orphée de Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749), extraite du Premier Livre de Cantates françaises à I et II voix avec symphonie et sans symphonie. Le compositeur a écrit de nombreuses pièces du même type parmi lesquelles on peut citer La Mort d’Hercule (1710), Léandre et Héro (1713) ou L’Amour guéri par l’amour (1720). Les quelques musiciens présents sur scène développent de très belles sonorités, à commencer par l’excellent flûtiste Anibal Sierra, la violoniste Léonor De Recondo connaissant pour sa part de légers problèmes de justesse qui ne l’empêchent pas d’accompagner avec une grande délicatesse quelques airs, comme le très beau «Allez Orphée! Allez! Allez!». On regrettera surtout la prononciation souvent difficilement compréhensible de Sophie Pattey, comme quoi le surtitrage d’œuvres en français que l’on peut parfois moquer ne s’avère pas toujours incongru...
Plus conséquent (la cantate de Clérambault durant à peine vingt minutes), l’opéra de chambre en deux actes de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) intitulé La Descente d’Orphée aux Enfers (1686) demeure un rien mystérieux. En effet, alors que la plupart des œuvres consacrées à ce mythe décrivent l’histoire dans toute sa généralité, l’ouvrage de Charpentier ne débute qu’au moment où Orphée commence son ascension pour sortir des Enfers (ce qui fait d’ailleurs dire à certains, autre mystère à propos de cet opéra, que l’œuvre aurait été jadis dotée d’un troisième acte, qui aurait été ensuite perdu). Après avoir fait respecter une minute de silence en mémoire des victimes des attentats parisiens des 7, 8 et 9 janvier, Michel Laplénie dirigea l’opéra avec finesse, un brin de ronronnement peut-être, mais cela n’en fut pas moins agréable à écouter. Léonor De Recondo, fortement sollicitée au violon solo, est pleinement engagée, à l’image des autres musiciens où se distinguent flûtes et violes. Côté chant, Cyril Auvity est exemplaire; servi par une excellente diction, il incarne un Orphée plein de sensibilité, qui jamais ne tombe dans la mièvrerie, et dont la voix sait parfaitement traduire les tourments qu’il traverse. Egalement excellent, Philippe Roche chante parfaitement le rôle de Pluton, dont la stature n’a d’égale que la profondeur d’une voix chaude et puissante. Si Dagmar Saskova peut être remarquée dans le rôle d’Eurydice, ce sont ensuite moins les solistes que les tutti qui sont appréciables, notamment lorsque ce sont les seules voix masculines qui s’expriment. Un très beau concert donc, qui aura permis de redécouvrir un répertoire qui ne demande qu’à être exhumé et joué.
Le site de Cyril Auvity
Le site de l’Ensemble Sagittarius
Sébastien Gauthier
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