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Yamada l’architecte

Geneva
Victoria Hall
01/07/2015 -  et 8 (Lausanne), 9 (Genève) janvier 2015
Toru Takemitsu: Star-Isle
Serge Prokofiev: Concerto pour piano n° 3, opus 26
Ludwig van Beethoven: Symphonie n° 7, opus 92

Simon Trpceski (piano),
Orchestre de la Suisse romande, Kazuki Yamada (direction)


S. Trpceski (© Lube Saveski)


Il y avait inhabituellement quelques places vides au Victoria Hall hier soir. Peut-être faut-il y voir le souvenir d’un programme un peu similaire et un peu décevant donné il y a deux ans par Kazuki Yamada et l’OSR ou hélas le fait que nombreux étaient toujours ébranlés par l’horreur de la tuerie des journalistes de Charlie Hebdo à quelques heures de train de Genève. C’est un signe de la qualité de ce concert que d’avoir permis aux spectateurs d’oublier un moment cette tragédie et de se concentrer sur une représentation qui, si elle n’était pas exempte de quelques défauts, était fascinante et d’une certaine manière assez ambitieuse.


Star-Isle de Toru Takemitsu est une pièce forte et concentrée, riche en couleurs et en intensité. Le début aux cuivres n’est pas sans rappeler le style d’un Messiaen avant que le style n’évolue et n’évoque des harmonies plus proches de l’esprit de Debussy. C’est un chef-d’œuvre bien plus fort que les Trois Musiques de film présentées il y a deux ans par Yamada et qui devrait être joué bien plus souvent.


La consultation des archives de l’OSR nous montre que le Troisième Concerto pour piano de Prokofiev fait partie des œuvres que les musiciens ont beaucoup jouées. La première exécution remonte ainsi à 1923 – Ernest Ansermet y dirigeait le compositeur – et de nos jours, les musiciens l’ont souvent donné lors des finales du concours de Genève. Simon Trpceski prend la parole avant de jouer pour saluer la présence dans la salle de sa famille dans cette journée qui est celle du Noël orthodoxe. Il se révèle très à l’aise dans cette œuvre d’une grande difficulté technique. Son jeu, où la pédale est discrète, permet d’apprécier un toucher de qualité avec de vrais forte. Le pianiste macédonien est cependant un peu trop sérieux dans une pièce où tant de solistes nous ont habitués à plus de fantaisie et surtout à un certain diabolisme qui fait ici un peu défaut. Trop de facilité peut nuire dans une œuvre où les musiciens doivent être proches de leurs limites. Soliste et chef s’accordent cependant dans les articulations de la deuxième variation ou en trouvant dans la quatrième variation du deuxième mouvement ou dans le grand crescendo final de l’Allegro ma non troppo un phrasé très ample et une longue ligne mélodique nous rappelant que Prokofiev était bien un innovateur mais aussi un classique. De façon assez inattendue et assez sympathique, Trpceski chante sans aucun complexe en bis une des chansons du film La Belle et la Bête en s’accompagnant lui-même au piano.


Les compositeurs allemands ne sont pas au centre de la culture et du répertoire naturel de l’OSR. Le son de l’orchestre est plus transparent que celui de phalanges d’Europe centrale et les cordes manquent d’un certain soyeux que réclament ces œuvres. Qui plus est, notre approche des Symphonies de Beethoven, que ce soit dans les choix de phrasés, de textures et de tempi, a profondément été marquée par l’apport des musiciens issus du répertoire baroque et le souvenir de la venue d’un Gardiner la saison passée est encore dans bien des mémoires.


L’approche de Kazuki Yamada est bien plus traditionnelle et ancrée dans une certaine tradition germanique. Ses tempi sont globalement modérés et il ne cherche pas à dramatiser l’œuvre à l’excès. Il s’attache en revanche à faire ressortir les très longues lignes musicales de l’œuvre et en faire ressortir la structure. Contrairement à ce qu’il faisait dans la Symphonie «Héroïque» il y a deux ans, les nombreux sforzandos de la partition, en particulier ceux des timbales, ne sont pas gommés. L’orchestre montre certes ici ou là quelques limites instrumentales. Le chef demande ainsi un relief sonore dans le Trio du Scherzo que les musiciens ne peuvent complétement donner et certains contrechants aux cordes de l’Allegro con brio final gagneraient à ressortir plus. Mais la beauté du phrasé et la largeur de vue de la conception font que la pulsation si essentielle à la musique de Beethoven et si difficile à trouver s’installe avec beaucoup de naturel. Voici une exécution qui nous permet de découvrir une facette inconnue d’un Yamada «architecte», que l’on ne demande qu’à réentendre.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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