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Truculent

Nantes
Théâtre Graslin
12/12/2014 -  et 14, 16, 17, 19* décembre 2014, 11, 13, 15 (Angers), 23, 24 janvier (Le Mans) 2015
Jacques Offenbach : Barbe-Bleue
Mathias Vidal (Barbe Bleue), Raphaël Brémard (Roi Bobèche), Flannan Obé (Comte Oscar), Pierre Doyen (Popolani), Loïc Félix (Prince Saphir), Mikaël Weill (Alvarez), Carine Séchaye (Boulotte), Gabrielle Philiponet (Fleurette/Princesse Hermia), Sophie Angebault (La Reine Clémentine), Gordon Wilson (Le narrateur), Rhym Aïda Amich (Héloïse de Gréaudon), Florence Dauriach (Rosalinde), Isabelle Ardant (Isaure), Hélène Lecourt (Blanche), Yael Raanan-Vandor (Eléonore), Ludivine Anberrée, Nicolas Lainé, Joseph Lecadre, Delphine Manac’h (figurants)
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Xavier Ribes (direction des chœurs), Orchestre national des Pays de la Loire, Laurent Campellone (direction musicale)
Waut Koeken (mise en scène), Friederike Schulz (réalisation de la mise en scène), Yannick Larivée (décors et costumes), Glen d’haenens (lumière), Ella Baumann (chorégraphie)


(© Jef Rabillon)


En cette période de fêtes de fin d’année, l’usage exerce immanquablement ses droits sur les programmations lyriques, et Offenbach en ressort généralement comme un bénéficiaire privilégié. Angers Nantes Opéra ne le démentira point, avec, nonobstant cela, un soupçon d’originalité, en mettant à l’affiche un ouvrage moins commun que les incontournables Belle Hélène ou Vie parisienne. Parodiant lestement Perrault, Barbe-Bleue, farce autoproclamée «conte d’horreur» par la bouche du Narrateur, Gordon Wilson, à l’accent britannique çà et là plus virtuose que la grivoiserie, joue habilement avec les codes du genre. La mise en scène de Waut Koeken, étrennée en février dernier à Nancy et reprise ici par Friederike Schulz, s’y entend à merveille, convoquant, comme il se doit, l’actualité pour remettre au goût du jour le livret de Meilhac et Halévy.


L’été étant passé, le plateau nantais fait retentir les déconvenues de «première dame», tandis que le commentateur s’ingénie à une irrésistible doublure satirico-cathodique aux couleurs politiques franco-germaniques où le bel aujourd’hui ravive les braises d’hier – la création de l’ouvrage est contemporaine des premières victoires de Bismarck–, avant de crever littéralement l’écran. Généreusement célébrées, les lois du théâtre se glissent délicieusement dans une scénographie intelligente, jamais redondante, où les tensions du petit lit conjugal se retrouvent sur les planches du grand, sous le regard des aïeux, mobiles derrière leur cadre, tandis que les trucidées sortent, au troisième acte, d’un hublot de machine à laver, où Popolani, frère Laurent aux allures de Spalanzani, avait conservé les épouses faussement trépassées grâce à un poison à la Roméo et Juliette, avec accompagnement sauce Gounod obligé, Boulotte résistant à un sort terrible en apparence et en ignorance, parce qu’elle «veut vivre».


Un parfum de cotillons souffle sur la production, auquel collabore avec gourmandise Laurent Campellone, invitant après l’entracte, sous l’emprise d’une ébriété de circonstance admirablement mimée, les pupitres de l’Orchestre national des Pays de Loire à un tutti de fausses notes parfaitement réglé. Avec dynamisme et justesse expressive, le chef français impulse à l’ensemble de la soirée une remarquable vitalité, sensible dès une Ouverture pétillante. Une telle énergie s’avère contagieuse, et les solistes ne se privent pas pour la rendre communicative. Dans le rôle-titre, Mathias Vidal se montre irrésistible, entre cruauté et lâcheté. Roi Bobèche assassinant «ses amants – de sa femme», Raphaël Brémard privilégie parfois la mesure à l’excentricité. Avec sa contrefaçon d’accent et de manières paysannes, Carine Séchaye affirme une Boulotte truculente à souhait. Gabrielle Philiponet distille un piquant entre caprice et hystérie en Fleurette, reconnue ensuite comme princesse Hermia. Sophie Angebault s’appuie sur le caractère revêche de la reine Clémentine. Loïc Félix ne faillit pas à sa réputation avec un Saphir de lumineuse vaillance, tandis que le Comte Oscar de Flannan Obé et le Popolani de Pierre Doyen forment un duo haut en couleurs. Mikaël Weill réserve en Alvarez un numéro d’hispanité de pacotille. Quant aux cinq femmes de Barbe-Bleue, ultime ingrédient, elles expriment tout à tour un jus vocal singulier qui forme un admirable quintette. A n’en pas douter la recette nantaise se révèle réussie, et se pourra goûter à nouveau en janvier à Angers et au Mans.



Gilles Charlassier

 

 

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