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La Grande-Duchesse n’a pas pris une ride Geneva Grand Théâtre 12/15/2014 - et 17*, 19, 21, 23, 26, 29, 31 décembre 2014 Jacques Offenbach : La Grande-Duchesse de Gérolstein Ruxandra Donose (La Grande-Duchesse), Bénédicte Tauran (Wanda), Fabio Trümpy (Fritz), Jean-Philippe Lafont (Le Général Boum), Boris Grappe (Le Baron Puck), Rodolphe Briand (Le Prince Paul), Michel De Souza (Le Baron Grog), Fabrice Farina (Népomuc), Julienne Walker (Iza), Marina Lodygensky (Olga), Marion Jacquemet (Amélie), Ahlima Mhamdi (Charlotte), Nicolas Carré (Un notaire)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Franck Villard (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Christian Räth (metteur en scène associé), Chantal Thomas (décors), Jean-Jacques Delmotte (collaborateur aux costumes), Agathe Mélinand (adaptation du livret et des dialogues), Joël Adam (lumières), Laura Scozzi (assistante à la mise en scène et chorégraphie)
(© GTG/Carole Parodi)
Lorsque s’ouvre le rideau du Grand Théâtre de Genève, des soldats gisent sur scène, totalement immobiles, comme s’ils étaient morts. La musique semble pourtant dire le contraire, tant elle est légère et enjouée. Puis l’un des soldats se lève, une bouteille à la main, hésitant et titubant, avant que ses camarades ne lui emboîtent le pas. Cette première séquence résume parfaitement La Grande-Duchesse de Gérolstein vue par Laurent Pelly, lequel a recréé au bord du lac Léman l’univers décalé et humoristique qu’il avait conçu à Paris, au Théâtre du Châtelet en 2004. Le spectacle n’a pas pris une ride et garde, dix ans plus tard, toute sa force de séduction et sa fraîcheur. Une autre séquence donne aussi le ton : celle de l’arrivée de la Grande-Duchesse venant inspecter ses troupes, suivie de l’entrée d’un immense tableau de bataille, figurant la guerre que ses troupes ne mèneront jamais. Le metteur en scène, qui a transposé l’action au temps de la Grande Guerre, signe une production sans aucun temps mort, fine et intelligente, un joyeux mélange de légèreté et de sérieux, où la féerie le dispute à l’ironie, une production rehaussée par les chorégraphies déjantées de Laura Scozzi. Ce qui frappe par ailleurs chez Laurent Pelly, c’est la direction d’acteurs extrêmement précise et fouillée, chaque personnage étant finement caractérisé.
Un DVD a immortalisé le spectacle du Châtelet, devenu depuis un classique du genre. A Paris, la production gravitait autour de Felicity Lott, superbe comédienne. A Genève, si elle n’a ni le côté grinçant et mordant ni la diction idiomatique de sa consœur, Ruxandra Donose fait néanmoins valoir de nombreux atouts, à commencer par des graves corsés et charnus qui rendent à merveille la sensualité de la Grande-Duchesse. On admire aussi le tempérament et les mimiques de ce tyran en jupons, alcoolique et nymphomane, qui traîne ses névroses et son ennui et qui finit par s’enticher d’un joli troufion. Mais la plus belle prestation de la soirée est sans conteste celle de Bénédicte Tauran, qui incarne une magnifique Wanda, à la voix limpide et à la diction impeccable. Cette jeune chanteuse pleine de talent donne corps à une paysanne spontanée et niaise, qui n’en garde pas moins les yeux constamment rivés sur son Fritz. Un Fritz interprété par le ténor suisse Fabio Trümpy, qui, s’il ne dispose pas d’une voix particulièrement puissante, séduit malgré tout par sa belle voix claire et sa prestance scénique. Jean-Philippe Lafont a dépassé depuis longtemps son zénith vocal, mais son incarnation du Général Boum reste tout simplement magistrale de drôlerie et de verve. On mentionnera également l’excellent Prince Paul de Rodolphe Briand. Malgré quelques décalages et des imprécisions, le chef Franck Villard, à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, fait honneur à la partition, insufflant gaieté et légèreté, mais sans jamais tomber dans la lourdeur martiale de l’opérette militaire. Après Paris, La Grande-Duchesse de Gérolstein imaginée par Laurent Pelly a su séduire aussi le public genevois !
Claudio Poloni
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