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Une Clémence sans grandeur

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
12/10/2014 -  et 12*, 14, 16, 18 décembre 2014
Wolfgang Amadeus Mozart : La clemenza di Tito, K. 621
Kurt Streit (Titus), Karina Gauvin (Vitellia), Julie Fuchs (Servilia), Kate Lindsey (Sextus), Julie Boulianne (Annius), Robert Gleadow (Publius), Leslie Menu (Bérénice)
Ensemble vocal Aedes, Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer (direction musicale)
Denis Podalydès (mise en scène)


(© Vincent Pontet/Théâtre des Champs-Elysées)


Agitation dans un grand hôtel des années 1930 ou 1940 où, alors que tout vacille, s’est réfugié l’empereur Titus. Bagagistes, secrétaires, conseillers courent dans tous les sens. La garde rapprochée se déchire, un complot provoque l’incendie de l’hôtel. Mais le souverain pardonnera et rétablira l’Etat et la justice. Denis Podalydès récrit l’histoire : dans ce contexte, le happy end obligé de l’opéra métastasien paraît bien anachronique. On pourrait en tout cas s’attendre à une lecture politique de l’opera seria de Mozart. A vrai dire, elle apparaît peu et le comédien français reste en deçà des enjeux qu’il a lui-même définis. C’est surtout à un drame psychologique que l’on assiste, Vitellia devenant une « star pâlissante » un peu inutilement ridicule, furieuse de ne pas succéder à Bérénice – faire précéder l’Ouverture d’un extrait de la tragédie de Racine est d’ailleurs une idée judicieuse. Mais la production s’en tient à une direction d’acteurs très efficace, volontiers subtile, surtout au second acte, où l’on sent plus de tension, notamment dans un affrontement réussi entre Titus et Sextus – le premier, à vrai dire, ennuie. Denis Podalydès, au fond, ne propose qu’une lecture là où l’on attend une interprétation – l’omniprésence de la mère de Vitellia, par exemple, dont il aurait pu faire une figure forte, n’est pas exploitée. Humilité de l’homme de théâtre devant la musique ? Peut-être. La Clémence de Titus n’est pas non plus l’opéra de Mozart qui a le plus de ressort – certains lui dénient toute théâtralité. Nous voilà en tout cas à l’exact opposé du Don Giovanni revu et corrigé par Krzysztof Warlikowski à la Monnaie.


La théâtralité, on comptait sur Jérémie Rhorer – toujours chez lui aux Champs-Elysées – pour la (res)susciter. Il n’a qu’en partie tenu ses promesses, avec une Ouverture curieusement sage, des difficultés, parfois, à imprimer une tension. Surtout au premier acte, malgré un final très dramatique. Là encore, le second a plus de souffle, le chef retrouvant un peu sa fougue naturelle. Quoi qu’il en soit, on a heureusement oublié le naufrage de Fidelio : l’orchestre assume bien, nonobstant des sonorités pas toujours très rondes – passons sur le continuo qui ferraille horriblement. La souplesse délicate des phrasés, la clarté délicate des lignes rendent justice à Mozart. La distribution est très inégale. Si Kurt Streit connaît son Titus sur le bout des notes, il peine dès que le rôle se tend ou devient orné, la nasalité du timbre, aggravée par le temps, s’avérant vite insupportable. Voix charnue, Karina Gauvin donne au premier acte des signes de faiblesse dans l’aigu et l’ornement, soude mal ses registres ; il faut attendre un assez beau « Non più di fiori » pour que la ligne se stabilise et que le tempérament de la chanteuse s’accorde avec toutes les exigences du style mozartien, bien que le grave de « Venga la morte » reste à trouver. Le beau Sextus, émouvant et tourmenté, de Kate Lindsay, n’appelle en revanche guère de réserves, malgré un timbre plutôt monochrome. Et l’on comprend que l’Annius stylé de Julie Boulianne soupire pour la Servilia délicieusement fruitée de Julie Fuchs.


Cela fait, finalement, une Clémence sans grandeur, qui ne fait pas oublier celle, en version de concert mais plus vivante, qu’avait dirigée Louis Langrée en 2012.



Didier van Moere

 

 

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