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Les affinités straussiennes du National Paris Maison de la radio (Auditorium) 12/04/2014 - Johannes Brahms : Variations sur un thème de Haydn, opus 56a
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4 en sol majeur, opus 58
Richard Strauss : Also sprach Zarathustra, opus 30 Barry Douglas (piano)
Orchestre national de France, Marc Albrecht (direction)
M. Albrecht (© Monika Ritterhaus)
Le concert de ce soir était un parfait reflet du concert donné deux semaines plus tôt par le National, qui associait deux œuvres en première partie et un poème symphonique de Richard Strauss dans la seconde. Et le fait est que notre impression aura été à peu près similaire, avec un Zarathoustra de toute première qualité.
Dirigé ce soir par le chef allemand Marc Albrecht, qui a été le chef du Philharmonique de Strasbourg de 2004 à 2011 et dont la carrière internationale ne cesse de se développer, le National commence son programme de façon assez prudente avec des Variations sur un thème de Haydn (1873) de Johannes Brahms (1833-1897) dont le début manque singulièrement de couleurs. Après une première variation prise sans vraie tension et une deuxième sans grande tonicité, l’orchestre finit tout de même par prendre ses marques, livrant notamment une Variation IV tout en finesse (excellente petite harmonie) avant une Variation V pétillante à souhait, où la dextérité de l’orchestre, mise à rude épreuve, ne souffre aucun reproche. Marc Albrecht, dont les débuts avec le National ne remontent qu’à 2011 pour un concert où il avait déjà dirigé Brahms, empoigne la fin avec conviction, concluant sur un Finale tout en grandeur sans pour autant tomber dans l’emphase.
L’impression plutôt agréable finalement laissée par cette première œuvre va s’estomper avec un ennuyeux Quatrième Concerto (1806-1808) de Ludwig van Beethoven (1770-1827). La faute à qui? Torts partagés pourrait-on dire, avec un orchestre certes agréable à écouter mais qui est dirigé avec une extrême prudence par un Marc Albrecht qui semble à chaque instant vouloir surtout éviter tout décalage avec le soliste. De fait, le premier mouvement manque d’épine dorsale, l’Andante con moto ne distillant aucune noirceur sourde comme on aurait aimé l’entendre, le contraste avec le troisième mouvement, enchaîné sans pause comme c’est habituellement le cas, ne se faisant donc nullement sentir. Quant à Barry Douglas, il joue certes les notes et respecte les nuances mais sans imagination ni sans caractérisation: tout cela est bien lisse et bien long... En revanche, très beau bis avec la Quatrième (Intermezzo en mi) des sept Fantaisies opus 116 de Brahms, toujours.
Le National serait-il devenu un orchestre straussien? Au vu des récentes réussites de la phalange en ce domaine, sans oublier quelques concerts plus anciens (Bernard Haitink dans les Quatre derniers lieder en octobre 2001, Andris Nelsons dans Une vie de héros en février 2009, Kurt Masur dans Don Juan en février 2008 ou dans les Métamorphoses en novembre 2011, Semyon Bychkov dans la Symphonie alpestre en juin dernier), on peut sérieusement se le demander! Nul doute que le passage à la tête de l’orchestre de Kurt Masur, à la culture allemande profondément enracinée, aura été déterminante.
Et c’est ce à quoi nous avons pu de nouveau assister ce soir avec un superbe Ainsi parlait Zarathoustra, poème symphonique de Richard Strauss (1864-1949) que l’Orchestre national de France a notamment eu l’occasion de donner sous la baguette d’Emmanuel Krivine, d’Ingo Metzmacher et de David Zinman. C’est un orchestre flamboyant qui apparaît dès la célébrissime introduction (qui permit par la même occasion de faire sonner les orgues de l’auditorium), où brille, comme ce sera d’ailleurs le cas pendant tout le concert, Didier Benetti aux timbales. Alors que les cordes avaient pu sembler étriquées dans Brahms, voici tout à coup une soudaine ampleur qui apparaît avec le deuxième épisode de l’œuvre, «Von den Hinterweltern» («Des habitants de l’au-delà»), bercée par une nostalgie chaleureuse que reprendra immédiatement un brillant pupitre de cors. L’épopée que l’on entend par la suite permet au public venu en masse de profiter de superbes interventions du cor anglais, des harpes, des clarinettes, d’une impressionnante trompette solo, chaque instrumentiste étant toujours mis en valeur par une acoustique qui ne donne aucun droit à l’erreur tant le moindre son s’entend sans aucune difficulté. Marc Albrecht conduit «Der Genesende» ( «Le Convalescent») avec une incontestable maîtrise, le tutti de ce passage accompagné de nouveau par l’orgue étant simplement extraordinaire. On sera légèrement plus réservé sur le jeu de Sarah Nemtanu, violon solo de la soirée, qui pouvait sembler trop sage dans l’épisode de «La Danse» («Das Tanzlied»): pour autant, que ce soit du point de vue technique ou musical, elle fut excellente. Le public salua avec chaleur cette interprétation qui ne peut que nous donner envie d’entendre de nouveau les grands poèmes symphoniques de Strauss dans cet auditorium qui devrait permettre de ne pas en perdre une miette.
Le site de Barry Douglas
Sébastien Gauthier
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