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Une Mireille passionnée Avignon
Opéra
11/30/2014 - et 2 décembre 2014
Charles Gounod : Mireille
Nathalie Manfrino (Mireille), Sylvie Brunet-Grupposo (Taven), Ludivine Gombert (Vincenette), Clémence Olivier (Clémence), Aurélie Ligerot (La Voix, Andreloun), Jacqueline Limongi (La servante de Mireille), Florian Laconi (Vincent), Marc Barrard (Ourrias), Nicolas Cavallier (Ramon), Philippe Ermelier (Ambroise), Jean-Marie Delpas (Le Passeur), Jean-François Baron (Le Farandoleur), Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Chœurs et Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, Aurore marchand (chef des chœurs), Orchestre Régional Avignon-Provence, Alain Guingal (direction musicale)
Robert Fortune (mise en scène), Dominique Pichou (décors), Rosalie Varda (costumes), Jean-Michel Bauer (lumières), Eric Belaud (chorégraphie)
Les apparences se révèlent parfois trompeuses. Etrennée en 1992, cette Mireille réglée par Robert Fortune, et qui a tourné sur maintes scènes– signalons Tours, Orange, Lausanne, Favart entre autres – revient pour la troisième fois à Avignon, et à vingt-deux ans ne porte guère les stigmates de son âge. Bien sûr, il ne faut pas chercher les indices habituels de la modernité dramatique dans cette histoire qui respire le folklore provençal avec force rythmes et images locales. Mais cette production se montre au moins à l’écoute de ce qui fait le charme singulier du poème de Mistral – mis en livret par Carré – comme de la musique de Gounod, tendrement désuet peut-être, mais nullement daté. Si le spectacle tient de la carte postale, il n’en garde pas moins une indéniable fraîcheur, qui jaillit de la farandole – la chorégraphie d’Eric Belaud et le ballet de la maison ne reculent pas devant son allure entraînante. Nul besoin de conceptualité pour noyer Ourrias dans la nuit bleutée du Rhône. A l’instar d’autres, la lune ou les voiles d’eau sont certes ficelles éprouvées, cependant encore crédibles, et le final dans l’église des Saintes-Maries s’avère saisissant.
La générosité mélodique de l’ouvrage n’est pas étrangère à l’alchimie, a fortiori servie par des interprètes de premier plan. D’aucuns chicaneraient facilement à Nathalie Manfrino quelques-uns de ses aigus, mais le rôle-titre, plus écrasant que le soleil du désert de la Crau, trouve en la soprano française une de ses plus dignes prêtresses. Son jeu sensible évolue de la coquetterie délicate du début à la rébellion passionnée. Elle sait habiter son chant des sentiments et des hésitations qui agitent Mireille, et n’hésite pas à prendre à bras le corps les difficultés redoutables de l’écriture, pour la rendre touchante, comme peu de solistes sauraient le faire aujourd’hui. En Vincent, Florian Laconi lui donne une réplique brûlante et lumineuse, où assurance et lyrisme ne font qu’un.
Sorcière bienfaisante, Taven trouve en Sylvie Brunet-Grupposo de puissants accents mélodramatiques, aussi justes qu’efficaces, qui enrichissent ce caractère d’une appréciable complexité. Nicolas Cavalier, excellent comme presque toujours, campe un Ramon solide et autoritaire, et affronte l’Ambroise à la fierté blessée de Philippe Ermelier. Marc Barrard livre un Ourrias à la ligne onctueuse, où pointe cependant un bienvenu soupçon de brutalité vengeresse. Ludivine Gombert séduit par le babil léger de Vincenette. Mentionnons encore la Clémence de Clémence Olivier, Aurélie Ligerot, céleste Voix et Andreloun, Jacqueline Limongi en servante de Mireille, Jean-Marie Delpas, Passeur au timbre d’outre-tombe, et le farandoleur, Jean-François Baron. Saluons également les chœurs, fortement sollicités, et l’Orchestre Régional Avignon-Provence, qui à l’heure des restrictions budgétaires et des calculs incultes d’économistes bornés, résonne de couleurs et de panache sous la direction d’Alain Guingal, fin connaisseur de ce répertoire français trop souvent injustement négligé.
Gilles Charlassier
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