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Deux concerts symphoniques inoubliables

Brno
Stadion Kounicova/Théâtre Janácek
11/27/2014 -  et 29* novembre 2014
29 novembre, Stadion Kounicova
Leos Janácek: Věcné evangelium – Glagolská mse
Maria Kobielska (soprano), Magdalena Kozená (alto), Michal Lehotský (ténor), Gustáv Belácek (basse), Petr Kolar (orgue)
Sbor Janáckovy opery Národního divadla, Brno Brněnský filharmonický sbor Beseda brněnská, Josef Pancík (chef de chœur), Orchestr Janáckovy opery Národního divadla Brno, Jaroslav Kyzlink (direction)


27 novembre, Théâtre Janácek
Antonín Dvorák : Fanfáry ku slavnostnímu zahájení zemské výstavy v Praze, B. 167
Béla Bartók : Concerto pour piano n° 1, sz. 83
Marc-André Dalbavie : Variations sur un thème de Janácek
Leos Janácek : Sinfonietta

Denis Kozhukhin (piano)
Filharmonie Brno, Aleksandar Markovic (direction)


A. Markovic


Vendredi 29 novembre, gala final du festival Janácek 2014, sa quatrième édition. Ce fut un concert extraordinaire, solennel, etc. Mais cette occasion avait quelque chose de tout à fait particulier: ce n’était pas dans une des salles du Théâtre National, mais dans le Kulturní centrum stadion de la rue Kounicova, quelques mètres après, plus bas, l’école d’orgue, c’est-à-dire à côté du lieu où travaillait Janácek lui-même et du modeste pavillon où il habitait, où l’on conserve son piano et sa chambre. Et c’est justement au stadion qu’a été créée en décembre 1927, quelques mois avant la mort du musicien, sa Messe glagolitique, sous la direction de Jaroslav Kvapil, un monument dans la carrière d’un compositeur de théâtre, mais aussi russophile, panslaviste (une des superstitions de l’époque, tout comme nous avons les nôtres) – la Messe est un manifeste en slavon ancien (l’alphabet glagolitique est un antécédent de l’alphabet cyrillique, tout comme l’alphabet grec).


La Messe est le sommet de la carrière d’un chef de chœur et compositeur de pièces chorales, et son interprétation exige un chœur et un orchestre très fournis ainsi que quatre solistes vocaux et un organiste solo, soit environ trois cents musiciens. La séquence: l’ordinaire de la messe (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, mais un Agnus sans «dona nobis pacem»), précédé d’une Intrada, fanfare frappante, lumineuse, répétée à la fin (au début, cuivres et timbales; à la fin, accompagnement orchestral progressif), et d’une Introduction; après l’Agnus («Agnece Bozij»), une très belle page pour orgue seul, comme une improvisation, mais il s’agit d’une page préparant la clôture, c’est-à-dire le retour de l’Intrada par d’autres moyens, guère différents. Un chef-d’œuvre, un testament (tout comme De la maison des morts, inachevé, si l’on veut), et le concert du 29 permettait d’entendre la version originale, avant les corrections finales de Janácek pendant les derniers mois de sa vie (Jirí Zahrádka a rendu possible, avec son édition, ce rattrapage historique).


En «introduction», ou première partie, le concert a débuté avec une pièce également symphonique et chorale de Janácek, L’Evangile éternel, achevée au printemps 1914, juste avant la déflagration de la Grande Guerre. Un programme doublement commémoratif, donc, historique, plein de sens en cette année 2014, si on pense ce qui se passait en Europe il y a une centaine d’automnes.


L’Orchestre du Théâtre National a beaucoup de travail tout au long du festival. Le lendemain de cette session de clôture, il jouait dans L’Affaire Makropoulos dont il a déjà été rendu compte ici. L’école des cordes en République tchèque est un phénomène incroyable et réjouissant. Quel orchestre que celui du Théâtre! Et le Philharmonique aussi, ainsi qu’on le verra ci-après. La très jeune violoniste Lenka Koplová jouait des solos de grande diva de l’instrument, et peut-être n’est-elle pas si loin de le devenir. Elle fait aussi partie du Quatuor Korngold – après tout, Korngold est né à Brno.


La soprano Maria Kobielska, elle aussi très jeune, chantait la partie la plus longue des solistes, et elle a tenu son rôle avec délicatesse, sens dramatique et force. Magdalena Kozená était un luxe – et peut-être sa présence était-elle un symbole nécessaire – pour une partie d’alto relativement brève. Michal Lehotský, voix claire et belle, endure, surtout dans L’Evangile, l’excès de notes aiguës exigées du ténor. La basse Gustáv Belácek fermait très dignement le formidable quatuor des voix solistes.


Pour Jaroslav Kyzlink, c’était une gageure, un pari finalement gagné. Une prouesse. Dans ces deux chefs-d’œuvre, avec cet orchestre et, il faut le noter, un chœur double (ceux du Théâtre et du Philharmonique) excellemment préparé par Josef Pancík, Kyzlink a obtenu un vrai triomphe: le talent uni au travail et l’inspiration, le tout fondé sur le tempérament athlétique d’un chef qui paraît inépuisable.


Deux jours avant, le jeudi 27 novembre, concert symphonique au Théâtre Janácek avec un orchestre dont le très haut niveau n’est pas encore reconnu en Europe (mais cela ne saurait tarder), le Philharmonique de Brno, sous la direction du Serbe Aleksander Markovic, directeur artistique et chef principal de la formation. Après les Fanfares pour l’inauguration du jubilé à Prague de Dvorák, une interprétation du Premier Concerto de Bartók à la fois spectaculaire par sa virtuosité et riche de sens par les nuances déployées par l’orchestre et, spécialement, le soliste, le jeune Russe Denis Kozhukhin, un pianiste au très bel avenir et au présent fougueux. La Sinfonietta est une œuvre de maturité de Janácek, avec des fanfares (encore) dont la solennité est une célébration, l’orgueil légitime d’une nation qui voyait son futur avec optimisme, à tort en cette époque. Une solennité jamais excessive, sans autocomplaisance – du feu, pas des feux d’artifice. Très belle façon que de finir la soirée, cette Sinfonietta à l’effectif nombreux et puissant. Elle avait été précédée d’une œuvre contemporaine, les Variations sur un thème de Janácek, du Français Marc-André Dalbavie, élève de Boulez, entre autres, un hommage large et dévoué au grand maître de Hukvaldy, de plus en plus estimé partout dans le monde.


Le Philharmonique de Brno, formidable orchestre, ne fait que son devoir: faire connaître la musique de Janácek, qui n’est plus un inconnu, mais qui n’est pas encore complétement accepté par une partie importante des mélomanes. Un concert tel que celui-ci place Janácek à côté de l’un de ses grands contemporains, Bartók, précédé d’une fanfare de son ami Dvorák, et comprend en outre une œuvre moderne qui exploite les résonances de l’œuvre immense de Janácek et montre la pérennité de ses sons.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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