About us / Contact

The Classical Music Network

Toulouse

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Double bill

Toulouse
Théâtre du Capitole
11/21/2014 -  et 23, 25 (les deux opéras) + 27 (Le Tour d’écrou seul), 28 (Owen Wingrave seul) novembre 2014
Benjamin Britten : Owen Wingrave, opus 85
Dawid Kimberg (Owen Wingrave), Steven Page (Spencer Coyle), Steven Ebel (Lechmere), Elisabeth Meister (Miss Wingrave), Janis Kelly (Mrs Coyle), Elizabeth Cragg (Mrs Julian), Kai Rüütel (Kate Julian), Richard Berkeley-Steele (Général Sir Philip Wingrave), Thomas Randle (Le narrateur, Le chanteur de ballades)
Benjamin Britten : The Turn of the Screw, opus 54
Jonathan Boyd (Le narrateur, Peter Quint), Anita Watson (La gouvernante), Francis Bamford/Matthew Price* (Miles), Lydia Stables/Eleanor Maloney* (Flora), Anne-Marie Owens (Mrs Grose), Janis Kelly (Miss Jessel)
Maîtrise du Capitole, Alfonso Caiani (direction), Orchestre national du Capitole, David Syrus (direction musicale)
Walter Sutcliffe (mise en scène), Kaspar Glarner (décors et costumes), Wolfgang Goebbel (lumières)


D. Kimberg, S. Ebel (© Patrice Nin)


Il n’est pas courant en France de pouvoir entendre à vingt-quatre heures d’intervalle trois œuvres de Benjamin Britten aussi diverses et emblématiques que sa Symphonie pour violoncelle et orchestre qu’interprétait Gautier Capuçon salle Pleyel avec l’Orchestre de Paris (voir ici, et deux opéras de chambre, Owen Wingrave et Le Tour d’écrou qu’affiche en un généreux double bill et dans une réalisation exemplaire le Théâtre du Capitole de Toulouse.


C’est un défi que d’afficher en une soirée ces deux opéras de chambre que dix-sept ans séparent et que ne relie véritablement le fait qu’ils ont tous deux comme substrat littéraire deux nouvelles de Henry James. Britten a eu la main heureuse en faisant confiance à la librettiste Myfanwy Piper (1911-1997), qui en a tiré deux livrets compacts et merveilleusement cinématographiques pour deux opéras de dimensions chambristes en deux actes durant environ une heure quarante chacun. La soirée qui équivaut en durée à un opéra de Wagner peut paraître trop longue ou décourageante. C’est presque un exploit s’agissant d’un compositeur dont la qualité est la concision! On a rarement vu le Capitole afficher des places libres un soir de première. Mais, comme souvent, les absents avaient tort car l’excellence musicale et la finesse des mises en scène de Walter Sutcliffe (Owen Wingrave est une production de l’Opéra de Francfort de 2010 et Le Tour d’écrou une nouvelle production pour Toulouse) récompensaient largement de l’effort.


Sutcliffe et son décorateur costumier Kaspar Glarner ont eu l’idée pour Wingrave de coller au plus près de l’essence de l’œuvre qui a été composée par Britten sur une commande de la télévision BBC et crée sur ce medium en 1971, avant de connaître deux ans plus tard sa création scénique à Londres. Des panneaux coulissants permettent de créer des plans enchaînés et l’ingénuité du procédé est de ne découvrir que des pans d’un décor entier qui peut subir des changements non visibles pendant le déroulement de l’action. Le décor – il s’agit dans les deux cas d’une demeure bourgeoise dans la campagne anglaise – colle assez bien à l’esthétique de ce que l’on pouvait faire à la télévision dans les années soixante-dix comme l’atteste le document d’archives aujourd’hui disponible sur DVD dans la collection Britten-Pears (Decca). La mise en scène est d’une grande efficacité dans sa direction d’acteurs parfaitement claire et tirant le meilleur des chanteurs. Si Wingrave ne pose pas de problème particulier sinon de rendre crédible un drame familial qui paraît dans notre monde si violent d’aujourd’hui bien désuet sur le thème de la lâcheté et de la désertion militaire, Le Tour d’écrou, avec ses fantômes dont on ne sait dans l’histoire à l’imagination de qui ils appartiennent, est un épineux sujet pour un metteur en scène. Sutcliffe suggère parfaitement les non-dits, sans ne rien faire jouer aux chanteurs qui pourrait influencer l’opinion du spectateur, ce qui, dans l’histoire des mises en scènes récentes de cet ouvrage, est un changement et un tour de force. Il s’appuie dans les deux ouvrages sur deux équipes distinctes de chanteurs qui sont aussi d’excellents comédiens, y compris les enfants dans Le Tour d’écrou, d’un naturel vraiment étonnant. Décor commun donc mais avec quelques bonnes idées supplémentaires pour Le Tour, comme de montrer la Gouvernante arriver à Bly dans un compartiment de train à la première scène, et le jardin formidablement stylisé.



A.-M. Owens, A. Watson (© Patrice Nin)


Une grande différence cependant entre les deux distributions. Celle d’Owen Wingrave fonctionne plus comme un ensemble très homogène sans grande individualité, hormis dans le rôle très ingrat de Kate le soprano estonien Kai Rüütel, très lyrique, et même un interprète du rôle titre, le baryton sud-africain Dawid Kimberg, sans grand relief ni projection, assez en deçà de ce que sont les deux interprètes des références vidéo disponibles que sont Benjamin Luxon (Decca) et Gerald Finley (Arthaus). Dans une minuscule intervention – hélas! – figurait l’excellent ténor Thomas Randle, tout à fait spécialiste de ce répertoire. Pour Le Tour d’écrou, la distribution était largement supérieure, avec deux excellentes interprètes pour la Gouvernante (Anita Watson) et Mrs Grose (Anne Marie Owens), aux voix très tranchées, un couple Quint/Jessel très convaincant, Jonathan Boyd et Janis Kelly, et les deux orphelins, Matthew Price et Eleanor Maloney, impeccables.


La plus belle surprise musicale cependant venait de l’orchestre avec deux petits effectifs de solistes de l’Orchestre du Capitole d’une splendeur instrumentale et d’une précision inouïes. Le chef britannique David Syrus a dirigé magistralement les deux ouvrages, attentif à chaque détail et à l’équilibre si fragile entre fosse et plateau, avec une intensité lyrique tout à fait inhabituelle pour Le Tour d’écrou, que l’on entend aujourd’hui beaucoup plus souvent dirigé en pointe sèche, le rythme l’emportant sur les couleurs.



Olivier Brunel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com