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Une éclatante résurrection rossinienne

Marseille
Opéra
11/08/2014 -  et 11, 14, 16* novembre 2014
Gioacchino Rossini : Moïse et Pharaon
Sonia Ganassi/Enkelejda Shkoza* (Sinaïde), Annick Massis (Anaïde), Lucie Roche (Marie), Ildar Abdrazakov (Moïse), Jean-François Lapointe (Pharaon), Philippe Talbot (Aménophis), Julien Dran (Eliézer), Nicolas Courjal (Osiride, Une voix mystérieuse), Rémy Mathieu (Aufilde)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Paolo Arrivabeni (direction)


A. Massis, L. Roche (© Christian Dresse)


Qu’il fait bon parfois de sortir des éternels Barbier, Cenerentola et Italienne à Alger, auxquels les saisons limitent trop souvent Rossini! Ainsi peut-on se féliciter de ce que Marseille présente, pour la première fois de son histoire, en concert, Moïse et Pharaon, refonte pour Paris, en 1827, du Mosé in Egitto écrit dix ans plus tôt. Maison italianisante par excellence, l’institution phocéenne bénéficie sans doute, à ce titre, de circonstances atténuantes d’avoir jusque-là oublié ce Rossini français. La concurrence des deux moutures n’a, d’ailleurs, pas dû resté sans impact sur le texte, dont on peut mesurer les variations à travers les différences entre le chanté et le livret du programme, abstraction faite du renouvellement dramaturgique d’une version à l’autre.


Passons rapidement sur l’absence de réalisation scénographique – la résurrection de Luca Ronconi sous la direction de Riccardo Muti en 2003 à Milan, gravée au DVD, n’a guère suscité d’émules – que d’aucuns justifieraient a posteriori par un relatif statisme à mi-chemin entre l’opéra et l’oratorio, induits certainement par le sujet – quoique la thématique religieuse soit une marque de l’époque, avec La Juive ou Les Huguenots pour avatars exemplaires. La magnificence des chœurs inscrit avant tout l’ouvrage dans la grande tradition lyrique française du dix-neuvième siècle, et éluder le ballet n’y change rien. Le final, purement symphonique, reprend ici les choix du chef italien.


Car le plateau vocal que Maurice Xiberras a réuni se révèle l’un des plus beaux de la saison. A commencer par l’Anaïde d’Annick Massis, d’une éblouissante délicatesse, ciselant autant la pureté de la ligne, celle, presqu’adamantine de ses aigus, que la justesse des sentiments: à cette enseigne, la musique peut se passer de scène pour se faire théâtre. Doué d’une diction remarquablement intelligible – qualité qui, au demeurant, distingue cette remarquable distribution, et que l’on peut saluer d’autant plus chez un soliste non-francophone – Ildar Abdrazakov témoigne en Moïse d’une présence admirable. Le legato et la richesse du timbre de la basse russe ne souffrent qu’à peine de graves parfois insuffisamment dessinés.


Si d’aucuns jugeront qu’il n’est peut-être pas le plus idiomatique des Pharaon, Jean-François Lapointe ne s’en montre pas moins sans reproche – solidité de l’émission, équilibre presque paternel de l’autorité et de l’humanité, le baryton québécois offre une composition sensible et crédible du souverain égyptien. Remarqué déjà à plusieurs reprises les saisons passées, le ténor nantais Philippe Talbot réserve à l’amoureux Aménophis des accents éclatants par lesquels il ne déparerait pas aux côtés des vedettes rossiniennes. Enkelejda Shkoza n’a rien d’un second choix en Sinaïde, assurée par Sonia Ganassi pour les deux premières représentations, bien au contraire. Si elle n’est pas la plus à l’aise avec la langue de Molière, la mezzo albanaise maîtrise la vigueur comme les remords de son personnage.


Figure presqu’incontournable, en France, des basses ténébreuses, Nicolas Courjal, Osiride et Voix mystérieuse, ne dément pas sa juste réputation. Julien Dran incarne un Eliézer percutant, tandis que, pour demeurer un peu dans l’ombre de ses consœurs, Lucie Roche n’en affirme pas moins une Marie d’impeccable tenue. Rémy Mathieu ne manque pas d’atours en Aufilde, et l’on ne doute pas que la relative verdeur de certains aigus s’apprivoisera. Saluons le chœur de la maison, préparé par Pierre Iodice, retentissant de précision, et la direction de Paolo Arrivabeni, fin connaisseur de ce répertoire, qui tire le meilleur de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille.



Gilles Charlassier

 

 

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