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Version intime Rennes Opéra 11/12/2014 - et 9 (Belle-Ile-en-Mer), 13* (Rennes), 18 (Cesson-Sévigné), 29 (Saint-Brieuc) novembre 2014 Francis Poulenc : Dialogues des carmélites Blandine Arnould (Blanche de la Force), Martine Surais (Madame de Croissy), Sylvia Kevorkian (Madame Lidoine), Karine Audebert (Mère Marie de l’Incarnation), Violaine Le Chenadec (Sœur Constance de Saint-Denis), Olivier Hernandez (L’Aumônier du Carmel)
Colette Diard (piano), Chœur de l’Opéra de Rennes, Gildas Pungier (direction musicale)
Eric Chevalier (mise en scène, scénographie, lumières, costumes)
Il n’est pas de solution miracle pour faire face à la croissance des restrictions budgétaires, et l’Opéra de Rennes l’expérimente déjà depuis plusieurs années avec les formats réduits destinés à tourner en région bretonne. C’est d’ailleurs à Belle-Ile-en-Mer que la mise en scène d’Eric Chevalier de la version piano du Dialogue des carmélites de Poulenc a été étrennée, dimanche 9 novembre dernier, avant de s’inviter dans la capitale régionale la semaine suivante, les 12 et 13 novembre.
En supprimant les personnages du père et du frère de Blanche de la Force, le propos se concentre sur le destin du carmel, tel un huis clos sur lequel se referment l’Histoire et la Terreur. Le plateau ne s’encombre pas de fioritures scénographiques – le lit de la Prieure, un tabouret, un réchaud à même le sol. Cette volonté de ne pas succomber aux artifices de l’époque va jusqu’à la substitution, discutable pour le moins, des accents de la Veuve par des déflagrations de balles, tandis qu’un sbire aux lunettes noires fait le planton, mettant sous la menace de son sabre les religieuses sur le chemin du sacrifice. La tension conclusive entre Blanche et le bourreau ménage plus l’actualisation théâtrale que l’émotion de l’authenticité. Un tel resserrement de l’intrigue ne pouvait manquer d’avoir un impact sur la continuité musicale. Certes, peu de thèmes sont sacrifiés, mais l’organicité doit parfois se contenter de motifs enchaînés à fonction essentielle de décor plus que de discours. Musique et réalisation scénique se révèlent, sous cet angle, tout à fait consonants.
Blandine Arnould tire parti de son timbre pour mettre en avant l’inquiétude consubstantielle de Blanche de la Force, qui contraste avec la généreuse innocence de la Constance de Violaine Le Chenadec, toute de juvénile légèreté. Martine Surais fait résonner la douloureuse agonie de Madame de Croissy, avec un chant aux confins du parler qui succombe parfois sous le poids de l’expression. D’une certaine justesse d’affect, Sylvia Kevorkian affirme, en Madame Lidoine, plus d’onctuosité que la Mère Marie un peu fruste de Karine Audebert, tandis qu’Olivier Hernandez s’acquitte des répliques de l’Aumônier du Carmel avec le minimum d’honnêteté requis. Chef du Chœur de l’Opéra de Rennes, Gildas Pungier ne quitte pas ses fonctions pour assurer la direction musicale, secondé par le piano docile de Colette Diard, accompagnatrice attentive des solistes. Nonobstant les réserves émises plus haut, la copie çà et là un peu pâle de la partition orchestrale, restitue l’essentiel, à défaut de l’intégralité, de l’ouvrage de Poulenc.
Gilles Charlassier
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