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Un classique sans frontières Copenhagen Operaen (Gamla Scene) 09/14/2014 - et 16, 18, 19, 24, 26, 27 septembre, 4, 8, 9, 10, 14, 22, 31 octobre 2014 John Neumeier : La Dame aux camélias
Frédéric Chopin : Concerto pour piano n° 2, opus 21 – Sonate pour piano n° 3, opus 58: Largo – Valses brillantes, opus 34 n° 1 et n° 3 – Trois Ecossaises, opus 72 – Préludes, opus 28 n° 2, n° 15, n° 17 et n° 24 – Grande Fantaisie sur des airs polonais, opus 13 – Ballade n° 1, opus 23 – Andante spianato et Grande Polonaise brillante, opus 22 – Concerto pour piano n° 1, opus 11: Romance (Larghetto) Susanne Grinder*/Gudrun Bojesen/Ida Praetorius (Marguerite Gautier), Alban Lendorf*/Andreas Kaas/Ulrik Birkkjær (Armand Duval), Mads Blangstrup*/Nikolaj Hübbe/Jean-Lucien Massot (Monsieur Duval), Mette Bødtcher*/Astrid Elbo/Maria Bernholdt (Nanine), Mogens Boesen*/Mads Blangstrup/Cédric Lambrette (Le Duc), Kizzy Matiakis*/Amy Watson/Holly Jean Dorger (Prudence Duvernoy), Alexander Staeger*/Sebastian Kloborg/Benjamin Buza (Comte N.), J’aime Crandall*/Alexandra Lo Sardo/Lena-Maria Gruber (Manon Lescaut), Gregory Dean*/Sebastian Haynes/Alexander Bozinoff (Des Grieux), Alexander Bozinoff*/Benjamin Buza*/Sebastian Kloborg*/Nikolai Hansen/Jonathan Chmelensky/Alexander Staeger (Adorateurs de Manon), Caroline Baldwin*/Stephanie Chen Gundorph/Hilary Guswiler (Olympia), Jonathan Chmelensky*/Marcin Kupinski/Jón Axel Fransson (Gaston Rieux)
Ballet du Théâtre Royal de Copenhague
Alison Smith (piano), Det Kongelige Kapel, Michael Schmidtsdorff (direction musicale)
John Neumeier (chorégraphie et mise en scène), Jürgen Rose (scénographie et costumes), Ralf Merkel (lumières), Kevin Haigen (assistant à la mise en scène)
(© Costin Radu)
Depuis sa création en 1978, La Dame aux camélias de John Neumeier s’est imposée, à juste titre, comme un grand classique au répertoire de maintes compagnies. Le Ballet de l’Opéra de Paris l’a inscrite au sien en 2006 et y a vu, la saison dernière, les adieux d’Agnès Letestu, celui de Copenhague lui a emboîté le pas quelques années plus tard, en 2012. On ne reviendra pas en détail sur les mérites de l’ouvrage, qui n’a point perdu de sa fraîcheur au fil des reprises. Soulignons une fois encore l’exceptionnelle cohérence de la dramaturgie, soulignée par une composition musicale puisée uniquement dans le corpus chopinien: le Second Concerto pour piano, dans un premier acte en forme de narration continue où s’élabore l’idylle de Marguerite et Armand sur fond de mondanités, contraste avec la succession de pièces pour piano seul dans l’intimité du II, des innocentes Ecossaises à l’ultime et dramatique Prélude opus 28 n° 24, avant un dernier acte, qui s’achève là où le Prologue a commencé, par le Largo de la Troisième Sonate, refermant alors la boucle mélancolique du souvenir. L’économie de la scénographie de Jürgen Rose s’adapte sans peine aux dimensions de la salle historique de l’Opéra de Copenhague, quitte à jouer autrement des marges du plateau et de la scène.
Dans cet écrin d’une justesse émotionnelle qui ne verse jamais dans la sensiblerie, la performance des solistes tient autant de la danse que du théâtre, tant la dimension expressive et pantomimique s’avère solidaire de la technique. Dans le rôle-titre, Susanne Grinder révèle une fragilité un peu artificielle au début de la soirée – en particulier dans les symptômes de la phtisie – là où une Agnès Letestu affichait une retenue plus crédible dans la lutte avec la maladie, mais livre une émouvante sensibilité lors de sa confrontation avec Monsieur Duval et une bouleversante expression de détresse face à son amant, incarné par un Alban Lendorf tour à tour timide, fébrile, élégant, brutal. Mads Blangstrup possède l’aplomb nécessaire pour le père d’Armand. On retiendra également le couple miroir, Manon et Des Grieux, dévolus à J’aime Crandall et Gregory Dean, tandis que Kizzy Matiakis condense la coquetterie un rien superficielle de Prudence Duvernoy. Les mauvaises âmes compareront les compagnies nationales, mais l’on préfère s’attarder aux aspects de l’ouvrage que les interprétations et les imports successifs éclairent chaque fois d’une manière différente, soulignant ainsi la richesse d’une œuvre dont le classicisme intemporel ne constitue nullement un obstacle pour la placer au panthéon des plus belles créations de la fin du XXe siècle. On saluera enfin le piano d’Alison Smith et la direction de Michael Schmidtsdorff, à la tête de la Kongelige Kapel, qui ne méprise pas les soirées de ballet.
Gilles Charlassier
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