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Muti en majesté

Paris
Salle Pleyel
10/26/2014 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : La Tempête, opus 18
Igor Stravinski : L’Oiseau de feu (version 1919): Seconde Suite
Robert Schumann : Symphonie n° 3 «Rheinische» en mi bémol majeur, opus 97

Chicago Symphony Orchestra, Riccardo Muti (direction)


R. Muti (© Todd Rosenberg Photography)


Après Varsovie, Luxembourg, et Genève, et en attendant deux concerts à Vienne, Paris figurait au menu de la tournée européenne donnée par l’Orchestre symphonique de Chicago, un des fameux Big Five américains. Compte tenu de la notoriété de l’orchestre et de son chef, c’est une salle Pleyel évidemment comble qui accueillit ce deuxième concert parisien donné, en ce dimanche après-midi, sous la direction de Riccardo Muti, directeur musical de l’orchestre depuis 2010.


La première œuvre au programme était en quelque sorte un condensé du concert donné la veille, qui associait deux œuvres en rapport avec l’élément marin et une symphonie de Tchaïkovski. La fantaisie symphonique La Tempête (1873), fondée sur le drame de Shakespeare comme l’avait été, quelques années auparavant, Roméo et Juliette (1869-1870), fut esquissée en quelques jours «sans le moindre effort, comme possédé par une puissance surnaturelle» comme le rapportera lui-même le compositeur. Très bien accueillie lors de sa création, la pièce se caractérise par une variété exceptionnelle de climats, de la plus grande finesse à ces épanchements de cordes et cette pompe dont Tchaïkovski a le secret. Après une entrée saluée déjà avec enthousiasme par un public conquis d’avance, Riccardo Muti lance l’orchestre dans cette fresque qui débuta par un jeu de cordes tout à fait exceptionnel. Ensuite, on ne sait trop quoi admirer en premier lieu entre les pianissimi des violons (emmenés par le concertmaster Robert Chen), la rutilance des cuivres (qui font depuis longtemps la renommée de l’Orchestre de Chicago), la plénitude du pupitre de violoncelles... Difficile de ne pas ressortir abasourdi par tant de perfection tant du point de vue strictement orchestral que de la direction de Muti, tout en finesse et en élan.


C’est paradoxalement en raison de cette incontestable réussite que la deuxième œuvre au programme, la Seconde Suite de l’Oiseau de feu (1910/1919), fut quelque peu décevante. Non pas, évidemment, que l’orchestre ne fût pas à la hauteur de la virtuosité requise par la partition! A l’image du splendide cor solo de Daniel Gingrich au début du Finale, le Chicago Symphony Orchestra fut en tous points irréprochable, faisant montre d’une perfection orchestrale assez extraordinaire. Mais justement: n’était-ce pas trop parfait? Faisant une pause entre chaque séquence de la Suite alors qu’il aurait peut-être été préférable de les enchaîner, Muti ne se lâche pas assez, maîtrisant trop l’ensemble et livrant au public une interprétation en fin de compte un peu froide et un peu distante. Les interventions solistes sont millimétrées (les clarinettes dans l’Introduction) et cette mise en place au cordeau, cette totale absence de rubato transforment donc doucement un ballet aux racines profondément ancrées dans le folklore russe en une fresque dont les couleurs ont peu à voir avec les ailes chatoyantes que l’Oiseau de feu était censé posséder. Cela n’empêcha pas Muti et son orchestre de recevoir une magnifique ovation une fois conclu le dernier accord.


En seconde partie, une œuvre que Muti connaît parfaitement (ce qui ne l’empêchera pas de tourner régulièrement les pages de sa partition...): la Troisième Symphonie de Schumann. Les mêmes qualités et les mêmes reproches que ceux que l’on a pu adresser à L’Oiseau de feu se retrouvent ici. Côté orchestre, les cinq cors (mais, plus largement, l’ensemble des cuivres) sont impressionnants par leur rondeur, la puissance souveraine qu’ils distillent au fil de la symphonie. Les bois sont également du plus haut niveau. Côté cordes, on ne saurait émettre de quelconque réserve même si, dans le premier mouvement, le trait manque légèrement de netteté et conduit à entendre un amalgame de belles sonorités qui auraient mérité d’être davantage différenciées. En revanche, quelle beauté dans les élans du deuxième mouvement (Scherzo. Sehr mässig), qui aurait néanmoins pu être pris un peu plus rapidement, Muti ayant tendance à se complaire dans le (certes) très beau son de l’orchestre placé sous sa direction. C’est surtout le troisième mouvement qui aura suscité l’ennui car pris trop lentement, le chef napolitain délivrant un discours sans aspérité où la beauté sonore ne suffit pas à rattraper un réel manque de tension. Le quatrième mouvement (Feierlich) fut en revanche tout à fait somptueux: dès le choral introductif des cuivres, une atmosphère tout en grandeur et en drame est installée de la plus belle manière, témoignant de l’autorité souveraine du chef face à ses musiciens. Concluant la symphonie à une allure là encore assez mesurée, Muti n’en remporte pas moins les suffrages unanimes d’une salle en délire.


Il fallait bien évidemment un bis à ce concert et, comme Riccardo Muti l’annonça lui-même au public en italien, ce fut le même que celui donné la veille: une Ouverture de Nabucco tout en couleurs et en verve. Ovation évidemment, triomphe et salle debout pour saluer un concert d’une rare qualité (ne faisons pas trop la fine bouche) où, avec toute l’admiration que l’on porte personnellement à Muti, on aurait néanmoins souhaité un petit supplément d’âme.



Sébastien Gauthier

 

 

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