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Chostakovitch hypnotisant

Paris
Salle Pleyel
10/15/2014 -  et 16 octobre 2014
Anatoli Liadov : Fragment de l’Apocalypse, opus 66
Alexandre Glazounov : Concerto pour piano n° 1, opus 92
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 15, opus 141

Viktoria Postnikova (piano)
Orchestre de Paris, Guennadi Rojdestvenski (direction)


G. Rojdestvenski (© Wladimir Polak)


Les visites à Paris de Guennadi Rozhdestvensky sont toujours un événement attendu. On peut compter sur lui pour composer un programme! Cette fois on pourrait dire que Fragment de l’Apocalypse d’Anatoli Liadov (1855-1914), courte pièce (8 minutes) au parfum wagnérien, fort bien composé mais sans véritable originalité, aura eu une fonction apéritive avant la curiosité qu’était le Premier Concerto pour piano d’Alexandre Glazounov et le plat de résistance, la dernière symphonie de Dimitri Chostakovitch, dont le maestro russe a donné une interprétation au sens propre tout à fait stupéfiante. Visites d’autant plus attendues que traditionnellement il vient accompagné de son épouse Viktoria Postnikova. On apprécie le jeu et la musicalité de cette grande dame du piano russe qui – quoique peut-être été un peu éclipsée, comme Elisabeth Leonskaïa et Elisso Virsaladze, par les géants qu’étaient Sviatoslav Richter, Emil Guilels et Tatiana Nikolaïeva, plus représentatifs du système dans les années post-guerre – est certainement une des dernières d’une génération d’immenses pianistes de l’ère soviétique. Sonorité majestueuse, technique au-delà de la technique, infaillibilité de la mémoire et un très grand sens mélodique, caractérisent de façon un peu restrictive l’art de cette grande artiste. Personnalité intransigeante aussi, et on peut comprendre en épiant le regard acerbe qu’elle jette sur un public qui applaudit entre les mouvements du concerto où laisse une sonnerie de téléphone rivaliser avec une phrase de Glazounov, l’univers qui doit séparer le monde dans lequel elle a été moulée à la superficialité du public parisien d’aujourd’hui...


Le Premier Concerto pour piano de Glazounov fait mine de rareté dans nos concerts occidentaux. L’Orchestre de Paris ne l’avait jamais programmé. Longue pièce de 30 minutes, en deux mouvements mais dont le second comporte plusieurs sections bien tranchées (cycle de variations), elle laisse une impression de décousu dans le fil de sa composition, qui comporte de réelles beautés, dont des dialogues avec le violoncelle solo – épatant Eric Picard – et ne captive pas d’un bout à l’autre. Il faut certes un grand interprète pour défendre cette musique et Viktoria Postnikova, qui la maîtrise parfaitement, a œuvré magnifiquement pour restituer son parfum lyrique postromantique pétersbourgeois. Nullement rancunière cependant, la pianiste a gratifié public et orchestre en bis de l’irrésistible Tabatière à musique de Liadov qui ne faisait pas que mettre en valeur ses qualités pianistiques.


Œuvre d’un homme malade et usé par le système, la Quinzième et dernière symphonie de Chostakovitch est un objet bien atypique avec cette plongée dans les profondeurs du désespoir succédant à un premier mouvement qui hisse au rang de chef-d’œuvre l’ironie musicale. Elle est une pièce parfaite pour faire valoir un orchestre bien soudé et ses solistes les plus brillants. Manifestement, l’Orchestre de Paris est en entente parfaite avec le chef russe et semble lui manger dans la main. La tension inouïe qu’il a insufflée dans les trois derniers mouvements où l’angoisse va croissante, la qualité non seulement instrumentale qu’il a su obtenir des solistes (trompette, clarinette, flûte, premiers violon et violoncelle et bien d’autres encore) mais aussi l’art de mener à bien les étranges combinaisons de vents dont Chostakovitch a truffé le Scherzo, relèvent de la magie pure, offrant un moment de pur envoûtement. On voudrait entendre encore plus souvent le témoignage de ce proche de Chostakovitch et on sait gré à l’Orchestre de Paris de l’inviter aussi régulièrement.



Olivier Brunel

 

 

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