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En robe de soirée sous la soutane

Vienna
Konzerthaus
10/10/2014 -  et 28 (Münster), 29 (Bielefeld) septembre, 1er (Stuttgart), 2 (Berlin), 4 (Dortmund), 5 (Köln), 7 (Paris), 8 (Lubljana) octobre 2014
Franz Schubert: Liebesbotschaft, D. 957 n° 1 – Aufenthalt, D. 957 n° 5 – Der Müller und der Bach, D. 795 n° 19 (transcriptions Liszt) – Sonate n° 22 en la majeur, D. 959
Alexandre Scriabine: Préludes opus 9 n° 1 pour la main gauche, opus 11 n° 8, et opus 37 n° 1 – Fantaisie, opus 28 – Deux Poèmes, opus 63 – Sonate n° 9, opus 68 «Messe Noire»
Mily Balakirev: Islamey

Yuja Wang (piano)


Y. Wang (© Copyleft2014)


Surprenante début de récital! Yuja Wang semble mettre un point d’honneur à révéler une facette méconnue de son talent; admirée pour sa clarté digitale et une virtuosité sans limite, elle joue ici Liszt avec une respectueuse retenue. Ces transcriptions, aussi difficiles soient-elles, ne sont effectivement pas des pièces de bravoure propres à électriser les salles. Mais à trop chercher le dépouillement, la pianiste n’en fait-elle pas trop? Un piano en demi-teinte, des legato qui affectent la clarté – et on se prend à souhaiter plus de contrastes, plus de couleurs. Cette austère soutane d’abbé ressemble au fond à un déguisement revêtu par une jeune personne plus à son aise en robe de soirée.


La Sonate D. 959 de Schubert commence dans le même registre; le premier mouvement est un véritable labyrinthe de forme sonate, dans lequel les phrasés élégants de la pianiste prennent l’apparence d’une succession de coquettes trouvailles, cohérentes certes, mais un peu perdues dans cette grandiose architecture. C’est au milieu du deuxième mouvement, dans un épisode halluciné de quasi-improvisation, que semble subitement se libérer l’interprète; elle se fait tour à tour caressante, flamboyante puis féline, et retrouve une variété de longueur de notes qu’elle s’était interdite d’employer. Même les silences qui avaient pu sembler exagérément théâtralisés prennent finalement des accents de vérité.


Un ensemble d’œuvres de Scriabine ouvre la seconde partie. Wang en propose une lecture dégraissée et dynamique, parfois assez verticale, qui lui permet d’exprimer tout son talent sans forcer le trait. On y perçoit une volatilité fantasque, des voix aux colorations riches qui impriment à chacune des pièces une personnalité propre. C’est un langage expressionniste qui lui parle visiblement.


La fantaisie Islamey de Balakirev qui clôt le programme officiel apparaît comme pulvérisée par l’allure prodigieuse du tempo, et pourtant pas un détail de la partition ne se perd. Comme pour braver le public et dire «Regardez-moi!», Yuja Wang enchaîne les gammes d’accords en montant ses poignets bien haut au-dessus du clavier. Une série de bis s’ensuit, dans lesquels la pianiste revient sur scène, s’assied face au piano, et hésite un moment comme si elle tirait au sort la pièce qu’elle s’apprête à jouer. Elle a le sens du spectacle, et sans y avoir l’air, sait jouer avec le public.


Qu’est-ce qui nous la rend si attachante? Il est certain que sa silhouette sur scène est saisissante (stunning écrirait un Américain), et on parle beaucoup de ses robes, de sa virtuosité. Au-delà de ces critères extérieurs, prime avant tout un confondant naturel mis au service de la musique. Ecouter Yuja Wang, c’est saisir toutes les contradictions d’une jeune Chinoise de 27 ans: diva inaccessible en concert, jean-basket coiffée a la garçonne le moment d’après; soumise, disciplinée et élevée dans le respect confucéen des anciens, pourtant capricieuse, rebelle et moderniste. Vue sous cet angle, elle incarne sur scène les états d’âme de la nouvelle génération chinoise. Voilà qui peut aider à expliquer la fascination du monde occidental à son égard.


Le site de Yuja Wang



Dimitri Finker

 

 

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