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Une audacieuse ouverture de saison

Nancy
Opéra
10/05/2014 -  et 7, 8*, 10, 11 octobre 2014
Benjamin Britten : Owen Wingrave, opus 85
Ashley Riches (Owen Wingrave), Allen Boxer (Spencer Coyle), Chad Shelton (Lechmere), Orla Boylan (Miss Wingrave), Katherine Broderick (Mrs Coyle), Judith Howarth (Mrs Julian), Kitty Whately (Kate), Mark Le Brocq (Général Sir Philip Wingrave/Le narrateur)
Raphaël Carton de Grammont/Jules Casies Renaud (Owen Wingrave enfant), Yann Vaxelaire/Titouan Lachaux (Lechemere enfant)
Chœur d’enfants du Conservatoire régional du Grand Nancy, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Ryan McAdams (direction musicale)
Marie-Eve Signeyrole (mise en scène et conception vidéo), Fabien Teigné (scénographie), Yashi (costumes), Philippe Berthomé (lumières), Collectif IDSCENES (réalisation vidéo)


(© Opéra national de Lorraine)


C’est une ouverture de saison audacieuse que propose l’Opéra national de Lorraine avec Owen Wingrave, rareté de Britten, compositeur déjà mésestimé en France, réglée par une figure de la génération montante de la mise en scène, Marie-Eve Signeyrole, qui signe là sa deuxième production à Nancy après le spectacle 14+18 conçu au printemps dernier pour le programme pédagogique «Dix mois d’école et d’opéra» en partenariat avec Paris, Reims et Montpellier. Autant dire que Laurent Spielmann faisait là un pari risqué: le remplissage de la salle n’est pas à la mesure de l’accueil du public, preuve que les absents ont toujours tort.


Conçu pour la BBC au format télévisuel, l’ouvrage – le second de l’auteur inspiré par Henry James – garde de sa destination princeps, entre autres, des motifs rythmiques qui le structurent et signalent son temps: datés et pourtant encore paradoxalement proches de l’auditeur contemporain. Renouvelant le cadre initial de l’écran cathodique avec des projections sur plasmas d’images marines – au tangage à l’accentuation sans trop métronomique pour être réaliste – ou de frondaisons, pour la retraite à Hyde Park, Marie-Eve Signeyrole s’attache à mettre en avant les accents évocateurs des interludes d’une partition à la dramaturgie souvent dialectique au premier acte. Enchâssé dans une complainte entonnée par le chœur d’enfants – où l’on retrouve le tragique souvenir de la ballade de Miles du Tour d’écrou –, le second, sans doute mieux réussi, présente une composition plus immédiatement lyrique, et ne pâtit pas trop de la rotation insistante de la plateforme pétrolière, habile rappel de la raison belliqueuse. De même, la nudité – et la violence – des douches militaires à l’incipit, avec tabassage en ombre onirique, ne vaut pas les fantômes du père frappant à mort son fils faible qui hantent Paramore au II. Du moins, reconnaîtra-t-on au présent travail de ne pas s’être enfermé dans le didactisme pacifiste du livret de Myfanwy Piper, et d’avoir privilégié ses qualités narratives dans un langage authentiquement scénographique et plutôt épuré.


D’une bonne tenue globale, la distribution vocale permet de retrouver des fidélités de la scène nancéenne, à l’instar du Lechmere lâchement obéissant bien caractérisé par Chad Shelton. Ashley Riches se distingue dans le rôle-titre par son énergie désespérée, tandis que son instructeur, Spencer Coyle, s’incarne de manière équilibrée avec Allen Boxer, au plus proche de son disciple qu’il essaie de comprendre pour mieux le former. Les dames forment une piquante galerie de portraits, de l’aristocratie un rien affectée d’Orla Boylan en Miss Wingrave, à l’inquiétude presque maternelle de la Mrs Coyle de Katherine Broderick, en passant par le suivisme de Mrs Julian, sous les traits de Judith Howarth. Kitty Whately prête à Kate son énergie juvénile, quand Mark Le Brocq évite judicieusement de caricaturer le vieux général et trouve le ton approprié pour les quelques interventions du narrateur. Signalons les accents diaphanes du chœur d’enfants. A la tête de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Ryan McAdams, applaudi ici déjà dans Candide la saison passée, souligne efficacement la variété d’une écriture orchestrale parfois aux confins de la sublimation, sinon du silence.



Gilles Charlassier

 

 

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