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Stella di Napoli Baden-Baden Festspielhaus 09/20/2014 - et 27 septembre 2014 (Paris) Airs et Ouvertures de Pacini, Bellini, Rossini, Carafa, Mercadante, Donizetti et Verdi
Joyce DiDonato (mezzo-soprano), Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Riccardo Minasi (direction) J. DiDonato, R. Minasi (© Andrea Kremper)
Les récitals de chant avec orchestre comportent toujours une part de fantaisie et de glamour, comme si le mot d’ordre était d'y ponctuer d’un peu d’inattendu notre quotidien dépourvu de rêves et de paillettes. Et ce soir on est bien servi. Joyce DiDonato va se montrer dans deux robes différentes, commises par un ou une styliste dont le programme a préféré taire le nom. Pour la première partie un fourreau noir asymétrique rehaussé de strass, un bras nu l’autre couvert jusqu’au poignet. Et après l’entracte un invraisemblable drapé moulant couleur mûre écrasée, dont la matière cirée donne à l’ensemble un curieux look de sirène waterproof. Ajoutons-y des chaussures à semelles hautement compensées et le tour est joué : la diva ne peut se déplacer qu’au prix d’une locomotion lente et ondulante qui a tout de la créature marine en train d’apprendre à marcher. Un peu «fashion victim» ce soir, Joyce DiDonato?
Au même registre du ridicule pas toujours évité, plaçons Riccardo Minasi, chef d’une italianité idéale pour le répertoire belcantiste, mais dont la gestique déjantée pose problème. Des moulinets dans tous les sens, des pompages façon shadoks, une chute devant le premier violon évitée de justesse... Conjugués à des musiques aussi croquignolettes que peuvent l’être parfois les Sinfonie et autres Ballabile du répertoire romantique italien, ces mouvements désordonnés stimulent irrépressiblement les zygomatiques. Pour éviter les fous rires en plein concert, mieux vaut regarder ailleurs !
Même si ces musiques orchestrales sont souvent belles, surtout dirigées avec autant d’énergie (l’Ouverture de Norma où l’Ouverture d’Elisabetta de Rossini, qui resservira à la note près pour Le Barbier de Séville...), on aurait pu laisser au placard l’Ouverture d’Alzira de Verdi, entrée en matière brouillonne pour un opéra réputé lui-même raté. Mais c’est essentiellement pour écouter Joyce DiDonato que l’on est venu, et on n’est nullement déçu, même si parfois telle ou telle intonation n’a pas la précision de ce qu’on entend sur le récital discographique «Stella di Napoli» enregistré à Lyon l’an dernier, parution toute récente sous étiquette Erato. La projection de la voix est substantielle, l’étendue vertigineuse, d’un medium particulièrement riche à un aigu dépourvu de problèmes, et la vélocité de l’ornementation n’apparaît jamais comme une fin en soi, tant elle se met entièrement au service de l’expression. De surcroît, comme sur le disque, ce programme fait la part belle à quelques raretés qui comportent une grande part de savoir-faire mais aussi une petite part de génie. Même si on peut redouter que leurs auteurs, aujourd’hui oubliés, ne se soient pas toujours maintenus à ce niveau d’inspiration-là. La scène finale de la Saffo de Pacini est construite avec originalité et varie les affects avec art. La Romance de Lucia, extraite des Nozze di Lammermoor de Michele Carafa, marie le timbre de la voix avec des arpèges de clarinette d’une agréable inspiration (et surtout fort bien joués par Jean-Michel Bertelli). En revanche la cabalette de Stella di Napoli, à nouveau de Pacini, s’avère plus difficile à défendre, avec ses vocalises aussi gratuites que beaucoup de traits de piano du répertoire romantique de la même époque. Réussir à en tirer quelque chose d’intéressant est un exploit un peu futile. Le génie de Rossini dans la scène finale de Zelmira, et plus encore de Bellini, dans un air d’Adelson et Salvini d’une suavité mélodique ensorcelante, n’en ressortiront que mieux.
En bis, Joyce DiDonato, inséparable de l’énorme bouquet de roses blanches qu’on vient de lui remettre, nous offre encore «Tanti affetti» extrait de La donna del lago de Rossini. Un moment de grâce, voire une apothéose ! Qui d’autre que Joyce DiDonato chante aussi bien ce répertoire? On peut toujours chercher aujourd’hui. Et d’ailleurs même hier...
Laurent Barthel
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